Lune aux yeux sans pareils qu'un miroir éblouit
Regarde-moi : je parle aux morts m'aimant de nuit...
J'ai trop de mots pour eux que les choses vivantes
Ne comprennent qu'au fond des ombres qui les hantent.
Des mots lourds de douceur, des mots inachevés
Jaillis de cet amour navré, mal élevé,
Que je voue au parfum dont la moindre caresse
Nasale me protège et m'enivre et progresse
Jusqu'où l'âme est si pure et meurt étrangement.
Ce même lieu de l'âme où le dérangement
Est roi des tyrannies, roi déposant des lèvres
Jolies sur mon sommeil, monceau perclus de fièvres,
Pour d'infinis baisers sans arrêt m'adoubant
Enfant triste tantôt puis danseuse au ruban
Sous un dôme doré qui décore de grâce
L'immense chambre vide où ce roi fou ramasse
A l'aide de ses dents mes rêves repliés.
Lune sinon tes yeux j'ai si peu d'alliés
Sur la Terre... Au lointain les étoiles vont, vaines,
Vers un néant très sûr, quelques chemins les mènent,
Chemins où nos cerveaux se perdent au début.
Lune vois mon sanglot qui vole quand j'ai bu !
Vois-le, volant, ailé par le bruit de mes chaînes...
Dès la dilatation de l’œil qui s'ébahit,
Dès le frissonnement de colonne concave,
Dès l'âme qui s'émeut et le cœur qui se gave
Et gonfle d'être par toi, la seule, envahi
Je sais que je le peux, aimer : le grand labeur !
Ce chemin sous le ciel à s'abreuver de l'autre...
Ce mauvais coup du sort, trente sous de l'apôtre
Donnés par l'angelot au buccin de vapeur...
Belle comme si tout avait signé le bail
Pour vivre près de toi, loin de toi, sur la terre
Où ton nom se faufile effarant mystère...
Belle comme si tout n'était qu'épouvantail :
Les grands oiseaux, ceux-là qui masquent le soleil
A l'heure où l'aube semble être un peu notre mère ;
Et cet enchantement accoutré de lumière
Des étoiles tombées vers le dernier sommeil ;
Tout ! Alors je peux bien t'aimer comme l'ont fait
Les rois défenestrés, les dieux taureaux, l'ivresse
Des poètes mourants dans leurs pleurs, une messe
Aux lèvres pour l'amante au mensonge parfait.
Je peux... Je peux... Mais toi ? Que fais-tu de mes mains
Faiseuses de forfaits, de mes mains balafrées,
Qui fouillent mon esprit comme dans des diarrhées
Pour en extraire perles, saphirs et jasmins ?
Du monstre, qu'en fais-tu ? Celui qui me combat
Sans compter ses échecs, de ce monstre sublime
Qui prend tout le miroir à la minute intime
Où je ne suis que peur, cris, rires et sabbat ?
Tu peux ? Je peux ? Si nous pouvons être entrelacs,
Deux parmi l'univers à le croire inutile
Si l'autre n'est pas là (lors tout l'or qui rutile
Est une farce) aimons-nous sous les hauts gaïacs !
Le poète :
Inévitablement perpétuer l'amour
Arraisonné par tout ce qui te rend plus belle
Que la divinité qui baigne au petit jour*
Dans l'Océan du Monde et la Honte éternelle
La honte que fait l'homme à tout ce qui fut beau
Sous une seule étoile à l'aurore des choses
La Mort tu sais rêvasse et déjà son corbeau
Ombrage le jardin des romances écloses
Cette inique ironie arrêtée à ton rire
S'efface dans le vent qui s'enfuit de tes lèvres
Ainsi ne parlons plus de vivre ou de mourir
Il faut boire au goulot l'excellent de nos fièvres
Coule sur mon chagrin toi mon ange indécent
A grands flots nuit et jour Innommable rivière
Des parfums, des saveurs! Tant que monte et descend
Le désir qui me tord, me mord et te rend fière.
La muse :
Effaré fulminant que peuple l'Idéal
Je te reconnais bien dans l'or et dans l'emphase
Moi, ta destination sous le ciel boréal
Au sommet de la terre... A la fin je t'écrase.
Tu vas sans l'ignorer vers le gouffre en chantant
A tire-larigot à pas de petit prince
Tout est lyre qui vibre et rien n'est important
Et la vie ici-bas n'est qu'un œil qui se rince
Je te reconnais bien et je t'aime en retour
Pardon si je t'étrangle à l'heure d'insomnie
Lors du rêve éveillé sois cet enfant qui court
Afin de mieux se fuir vers ailleurs qui le nie
Nuitamment s'acharnant à me faire exister,
Poète au seul moment où ton doigt me caresse
Ivre de solitude et sans autre alité,
Tu m'aimes ! Je ne veux ni trêve ni maîtresse.
L'homme :
Fou navré d'être en vie ailleurs que dans les vers !
Folle sans corps marqué que l'hiver ensoleille !
Laissez-moi vous haïr du fond des vétivers
Au joli ras du sol d'où s'épand la merveille
La merveille des mains qui cherchaient le frisson
Sur la peau... sur la peau ! Car vous n'en savez guère
Plus que deux, trois galets causant à l'unisson
Sur l'amour vrai qui tue et se déguise en guerre
Vous ne savez plus rien vous clamant immortels
Vous assujettissez les lois sentimentales
Au gré du joli mot Vous n'êtes qu'irréels,
Grelottant dans vos draps à songer aux vestales
Laissez-moi donc cueillir la douceur d'être là
Sans rêve d'absolu, de la phrase parfaite,
J'aime mieux pour le soir les courbes d'Ornella
Plutôt qu'une invention parfaitement abstraite.
La femme :
Fou navré que je sois faillible comme lui !
Folle trop maquillée et que vêt le mirage !
Être sans qualité me désirant de nuit !
Que puis-je être à vos yeux sinon tout un orage ?
M'ayant divinisée un poète n'est plus
Qu'un problème égaré que nul ne peut résoudre
Un rêveur sans pénis qui jouit de s'être lu
Un petit gars sans rien sinon le monde à coudre
Muse mon adversaire au tournoi des tyrans
Je vainc sans coup férir au delà de la lettre
En deçà tu me vaincs par tes teints délirants
Me mimant... mal mimant ce que je ne peux être
Homme chagrin le soir de toujours se toucher
Qui voudrait m'habiter me vivre et se confondre
Pour le soir, tu l'as dit, vous dîtes : cartoucher !
Pour désigner l'instant où mon cœur a pu fondre.
Le réalisateur :
Coupez ! C'était joli ! C'est le jeu des vivants
Que de s’entre-tuer et d'hurler que l'on s'aime !
Le poète :
Fleur de nacre nourrie au rêve survivant...
La muse :
Je suis l'impératrice à l'étrange système...
L'homme :
Une bière.... Ornella... ne pas être trop mort.
La femme :
Aime-moi pour toujours sans ton imaginaire.
Le réalisateur :
La scène est bonne ! Allez boire au bistrot du port !
Et puis rhabillez-vous vous êtes l'âme à l'air.
THE END...
Dans le rôle du poète : Un gars avec des cheveux longs sous mescaline (le gars pas les cheveux).
Dans le rôle de la muse : Un hologramme d'Audrey Hepburn fusionnée avec une nymphe ou une bestiole de ce type, mythique.
Dans le rôle de l'homme : Francis Huster
Dans le rôle de la femme : sûrement qu'elle s'appelle Ornella quelque chose, on en sait pas plus sur cet être mystérieux.
Dans le rôle du réalisateur : le réalisateur.
Nous boîtons, bric-à-brac qu’acheminent les vents,
Dépareillés, bourgeois privés de têtes creuses,
Viandes plus avachies que Dieu sur nos divans
De clous roux pudibonds, de lames chaleureuses.
Tâtonnons ! c’est le sort acéré qui le veut !
Lui qui brûle et qui noie entièrement nos vies,
Sans même le vouloir ou l’aimer ; c’est l’aveu
De la sainte au prétoire et deux voies qui dévient.
Mais la marche qui ploie en dessous du soleil
Saura joindre à tâtons, qui s’enivre de plantes,
On ne sait quel îlot sur l’océan pareil
A la guerre infinie aux morts calmes et lentes.
Un élan de toujours qui mène à l’inconnu
Nous étreint mais nous brise un semblant de rotules
Chancelant... Saigna-t-on pour un serment tenu
A d’autres ? ou pour l’or ? pour le reflet des bulles ?
Car l’intense tendresse nous l’ignorons tant ;
Tant que c’est un mensonge inventé par les anges…
Un Narcisse amputé qu’hypnotise un étang
Dans lequel eau de pluie et bave se mélangent
Pèle et dit notre nom sans commettre d’erreur.
Ainsi notre chemin, ainsi donc le voyage
De la tribu du rêve aveugle et de la peur
S’achève sous les yeux -peut-être- d’un visage.
En des régions bâclées par la main des puissants
Nous mimons quelque idiot qui s’anime et nous mime…
L’invincible chagrin rit avec les accents
De l’enfant titanesque et du vieillard infime.
C’en est trop ! Si ma tâche, génétiquement,
Et de m’agenouiller au bord des flots, la brume
A travers un regard obnubilé, dément,
Puant tous les vœux pieux charmés par l’amertume ;
Alors non ! Gosse en pleurs, qui gueule, intransigeant,
Dans des contrées de sel où la Mort bien vêtue
S’essaie à la peinture, aux poèmes, au chant,
Je refuse… Un écho de plainte continue
Vibre dans ce passant que je croise au matin,
Seul. Ici la Mort peint, lasse, artistement chante,
Et puis l’emportera, seul… Pourtant la Mort peint,
Ou cisèle des vers d’adolescente aimante.
Manoir clôt au néant, bouton natal aphteux,
Où je suis un marmot qui parle d’évidence
Comme un taré des rues ou comme un rebouteux
Qui vend la même fleur si le mal recommence.
La chambre de la Mort est un nid de velours
Lourd et multicolore, un peu de maquillage
En poudre vogue encore. A l’horizon des jours
Le ciel vide subit un ultime pillage.
J’entre… la grâce broie à moitié mon esprit…
De la grâce ou l’enfer au plus doux des arômes ?
Les deux certainement… J’entends comme le bruit
Des sanglots surhumains d’un milliard de fantômes.
J’entre broyé -subtil mouvement d’éventail,
Et le souffle du temps par ses lèvres mi-closes
Qui frémit… Là mon cœur enveloppé d’émail
Sent muer l’univers lavé de toutes choses.
L’effroi n’est pas le nœud du grand problème humain,
Pas tant que son chemin de ronde ne traverse
L’abdomen… c’est mon tour, il vous siéra demain,
Et vous l’implorerez au sol, à la renverse.
Geste sublime, faux, tout comme la passion :
Madame de la Fin se drape de fourrure,
Un corset violet rougeoyant fait pression
Sur sa poitrine ; on voit s’ouvrir la déchirure.
« Madame de la Fin je suis un nourrisson,
S’il se peut que je meurs dans les bras d’autres femmes,
Que je fleurisse ailleurs qu’où passe la moisson,
Que je prenne les mots et les plis d’autres drames,
S’il se peut qu’un enfant des toits désamiantés
Renonce aux vieux sentiers dont la terre est l’empreinte
Des pas que vous menez à la lyre ; enchantés
Par le La sans appel des cris et de la crainte.
S’il se peut, s’il se peut, diva du ciel pillé
Par des doigts receleurs de rêves blancs, d'étoiles,
Qui de votre palais n’avez pas sourcillé
Quand l’être fut souillé dans sa chair et sa moelle !
S’il se peut, votre altesse qui se pomponne et fait
Semblant d’être fatale aux yeux de la mémoire,
Que l’aube qui suit tel massacre sans effet
N'en couve pas le fils bâclé, la pauvre gloire.
Catin du jour soufflé comme un cierge sans foi
S’il se peut la vie hors de tes humeurs changeantes,
Une autre mise en bouche ô Mort une autre loi
Que celles du roman noir et de ses amantes,
Vous pleurerez Madame ! S’il se peut la Fin
N’aura pas lieu, le peuple de la peur aveugle
Aura franchi l’étang du Narcisse défunt ! »
Mais Madame me dit que je braille, je beugle
Et qu’il faut murmurer ici : là : nulle part…
Elle a la tête ailleurs, et fredonne des notes,
La pupille est perdue ; elle a l’âme au départ…
Elle a l’âme au départ... Humains voici nos fautes
Ravalées comme une glaire rouge de sang
Qui m'arrache un frisson, me brûle l'œsophage...
Ma pupille a versé le long sanglot puisant
Sa source dans les yeux d'un gosse indigne et sage.
"Pourquoi nous ignorer quand nous parlons d'amour ?
Nous n'en parlerons plus quand vos deux mains, vos mains
Sans matière féconde auront éteint le jour.
-Mains- quand vos mains auront pétri nos lendemains !
Alors écoutez tout : mes mensonges, mes vœux !
Ce qu'ivre, psalmodié, ma bouche putréfie
Car je n'ai pas toujours dit ce qu'on dit mieux...
Mais Madame écoutez, de l'essence à la lie :
Je suis un mort-vivant qui marche dans mes pas,
Je suis vieux : j'ai quinze ans et je médis des filles
Comme du ciel, un temple où je ne veille pas
Captive une vestale adorable, en guenilles.
Aussi je n'ai de dieu qu'un rêve dévoyé,
Qu'une perle sacrée autant que ses fissures ;
Manuscrit sale sur pupitre de noyer
Où tous les paradis connus se défigurent.
L'oubli, l'immense oubli qui traîne à vos talons
Est un ami d'enfance que je ne peux craindre...
Il vous suit mais sera partout où nous allons,
Partout où nous allons pourrir puis nous éteindre.
J'eusse été votre égal si je niais mes pleurs,
Vous pourriez être mienne, on a vu des poètes
Esquisser un clin-d ‘œil quand vous avez dit :"Meurs !",
Ils vous avaient séduite, extrême des conquêtes.
Nous n'avons pas fini de chercher vos regards
Quand la nuit malheureuse instamment vous appelle...
Courir droit jusqu'à vous, rattraper les retards
De l'Etre, du Néant ; de leur longue querelle.
J'entreprends ce discours sous vos yeux médusés
De me voir ici-même où vivre se termine
A vous parler d'amour, de chagrins plus usés
Que le chevalier qui brandit la famine,
Mais c'est mon rôle -ou pas- je m'en suis fait le don
Un soir sous les arceaux de vignes, la folie
M'avait giflé pourtant j'accepte son pardon :
Elle a le baiser d'or et la claque polie.
Entendez-vous, ma chère, un petit peu mes mots ?
Ce sont des mots de gosse au but infanticide,
Des mots de pas grand-chose, de qui jouit des maux
Persiennes closes, l'âme entr'ouverte et lucide.
Ils ne sont pas du roi des rois, ce sont les miens ;
Je les dis en tremblant des pieds à la tête
Ils sont mes ailes par mille autant que mes liens
A la terre, au ciel pur, au vent, à la tempête.
Et vous les entendez, comme un tressaillement
Vous heurte, vous semblez une mère attendrie
Pourtant ce sont les mots simples du sentiment ;
Ce ne sont pas les mots brûlés d'Alexandrie...
Aimez-vous les entendre, mère de la nuit,
Mère de nos soupirs au sein des cimetières,
Mère qui n'enfanta jamais que de l'ennui,
De la désespérance au porte des mystères ?"
Se lever avec toute une noblesse et l'air
D'être plus que la femme et plus que la déesse ;
M'examiner soudain, faire onduler le vair,
Sentir mon corps détruit quand son œil me dépèce.
"Enfant ? Toi ? Quel enfant surgit avec le deuil
D’un soldat de toujours, qui dans chaque pupille
Cache une nef allant sans regret à l'écueil,
Dans ma chambre ? Tu mens, seul ton mensonge brille.
Mais je veux bien l'entendre, on se fait à l'humain...
Tes mots ont ce goût trouble, émouvant, que la bouche
Ne comprend pas. Mais viens par ici, prends ma main...
Tu n'es plus de ceux-là défunts quand je les touche.
Mon enfant, vieil enfant, attardé, médisant ;
Crucifié sous le ciel ou tombé dans la fosse
Qui me parle des mots dans les mots s'enlisant ;
Déclame les derniers avant l’heure de noce : »
Madame m’a promis l’épouvante et la soif
Apaisée en riant d’être dieu pour la foire
Humaine que la main destinale décoiffe
De sa couronne de lys et de rêve noir ;
L’être multiplié, l’atome et l’univers
Les circonvolutions du temps et de l’espace,
L’amour natal et pur, le vieil amour pervers,
L’incendie et la plaine et le soir en terrasse !
Ce que je ne fus pas m’implore, un revolver
Prêt à baiser ma tempe appuie et me condamne
A la nuit de la chair, du ventre grand ouvert
De Madame, à la nuit où toute rose fane…
« Soit ! Allons-nous coucher ! Puisqu’il faut qu’une Fin
Bénisse les adieux autant que la rencontre,
Il faut un moment phare, il nous faut le chagrin,
Il faut savoir pleurer en regardant sa montre,
Il faut savoir aimer ce qui passe et qui meurt,
Au seuil du premier jour il faut une menace
Effroyable ; le glas des battements de cœur,
Il faut savoir mourir pour aimer ce qui passe,
Il faut le précipice au bord de nos chemins
Afin d’être famille, amants, oncles et frères
Il nous faut pour aimer aller entre vos mains
Car pour aimer la paix il nous faut mille guerres,
Des saintes agonies quelques nécessités,
Quelques douleurs sans nom nous parlent d’injustice,
D’innocents malheureux, de sombres vérités,
Mais Madame, je sais, vous n’êtes pas complice…
Dès lors finissons-en, ôtez votre corset,
Car la petite mort c’est notre grand secret ! »
Oui j'ai péché Seigneur, car tu n'existes pas :
Au café sans saison les grandes beuveries
M'auront mené vers elle et chacun de ces pas
Narre les nœuds par cent nouant
Ses collants verts.
On peine à vivre, on craint, sous les mutineries,
L'oubli de l'horizon pourtant, vigie en pleurs
Hier et naufragé pleuré par les vigies
Un marin nous narrait les nœuds
Des collants verts.
Des tableaux de ténors où des femmes sont peintes
Ou des films, un sofa, des lèvres sans un bruit,
Reine numide, écrin des éternelles plaintes,
S'étouffent entre les nœuds navrés
Des collants verts.
Hey Natacha on voit ta culotte !
Indéniablement lors du matin futile
Toute chose à son comble a fui... Dieu je ne sais
Plus à quel saint du ciel avouer mon décès
D'enfant de l'ombre d'or qui chante et se mutile.
Incandescence close, un cœur qui se transforme
Gît dans l'entaille ouverte et le déferlement
Pluriel de mes douleurs en selle, du moment,
Dans l'antre rougeoyant de quelque flamme énorme.
Oh j'ai péri souvent face aux mille falaises
Du destin sans mourir, peut-être quelquefois...
Vivre mieux mes couillons ? C'est votre unique choix ?
Ici nous mourons mal à compter les diérèses.
A compter via le litre ce suc d'amoureuses
Corrompues que je n'ai su que désintégrer,
A ne plus compter l'âge des chagrins malgré
Leur nature enfantine au sein des nuits peureuses.
Bah, tu sais j'ai mangé le pain du Christ oracle
Sans vomir ! Si j'ai vu l'écarlate et poignant
Crime de chaque humain ? Je l'ai vu, plus saignant
Que la mère du monde enceinte du spectacle
De la guerre et des morts qu'on pleure au crépuscule.
Mais toute chose a fui quand je l'ai décidé :
Ton étoile, croyant, et ton ciel évidé
Vieil athée et la Terre au passé ridicule.
Mais tout est revenu ce soir tel un poème,
Léo, celui qui fleurette avec le néant,
Ce poème qui fait que tu dis au géant,
Confiant : "J'ai résolu l'ensemble du problème !"
J’aurais perdu le don du poème, un matin !
L’égarement… sans doute, on le vit, que l’ivresse
L’a ramené chez elle où se boit en latin
Le bon vin des enfers et le bon vin de messe.
Sans doute près d’un string de putain, la Putain
Républicaine, au moins, ça fait meilleure presse
Que celle des Balkans, qui d’un soleil lointain
Tient sa peau de velours qu’un mort-vivant caresse.
L’as-tu vu ? J’ai perdu l’enfant d’une nuit d’or !
Presque instantanément ! Ce n’est pas plus d’un mort
Que le petit poète à l’insulte facile…
Pas plus d’une épitaphe et, Dieu, moins qu’un haut fait :
Une posture hideuse, un mensonge fragile,
Rien que tisser le vers sans valeur, contrefait.
Charlemagne a passé sur ses terres où churent
L’intensité du ciel et le don de la muse
A cent bras Me voici français du manuel
Avec mes cheveux noirs et crépus nœuds d’ébène
On dira que la Beauce est une longue vue
Que la Bretagne entonne une chanson de fête
Un chti de Charleville a tout réinventé
On le voit à Marseille il contemple la mer
Mais ce n’est pas tout crève au milieu des bouquets
De cyclamens Paris si tu savais mon nom
Révèle-toi poubelle en qui pourrissent formes
Désaccordées le foie et le cœur du poète
Moi j’avais quatorze ans Biarritz au bord des yeux
Mais tout au fond le deuil le deuil exténué
Maman est morte a dit maman je ne sais pas
France si tu m’as vu poignarder son enfant
Et te déchiqueter de mes mains difficiles
Avant de me brûler aux feux de Salamanque
Pour apprendre à t’aimer j’ai dû te dire adieu
Adieu Savoie il neige il neige il a neigé
A mon retour la France était noble et féconde
Ventre immense de femme acquise littéraire
Au possible fardée une révolution
L’avait faite princesse en son art des Narcisse
Puis l’on te crachera dessus les allemands
T’auront fait consentir au viol de ton âme
On y peut plus grand-chose on a beaucoup pleuré
Fleur que tu es jaillis de l’ombre de l’Histoire
France c’est en ton nom que la phrase est jolie
Qu’elle est subite et vient de l’étude sans nuit
Sans jour et sans parole et c’est le joyau pur
C’est l’absence de sens par qui le Sens arrive
Lisons Jean Pollonius un soir d’aout enfumé
Tout près de la rivière et du feu qui s’affole
Ne sommes-nous pas bien France toi moi les seuls
Sous la loi d’une étoile à rebâtir le monde
On a sangloté sous les doigts d’Emmanuel
Poursuivre le chemin des sonates danser
France une valse un break puisse la mort s’ensuivre
Mort de la France ou mort du dernier Chabrier
Je ne me sens plus d’admiration pour les femmes –la Femme et ses humbles représentantes- : fut un temps où je transformais telle guenon de faubourgs en ange pictural, fasciné par un geste, un sourire ou une voix. C’était mon dada, mon inspiration… A n’en point douter j’ai su aussi en dépeindre les poils, le regard, le cul à l’air et la force de dix hommes ; encore fallait-il qu’elle tombât de l’arbre. Désormais ni ange ni guenon, dit comme ça on pourrait rigoler mais sans l’Eternel féminin on pleure la bite à l’air à la recherche du Sens.
Non ni céleste ni grand singe, les deux : singe qui se croit ange. C’est ce qui m’a leurré. J’ai donc longtemps débattu sans le vouloir du sexe des bonobos…
Où sont les guerriers ?
Où sont les rois?
Où sont les orgueilleux qui prennent le trône quand on les croit ?
Sofiane.