A un critique imaginaire
ou
Alice t'emmerde !
Très cher,
J'ai reçu votre courriel en réponse au texte sur l'immense poétesse qu'est Alice de Chambrier que je vous ai envoyé, puisque vous partagez imaginairement sa patrie
c'est-à-dire l'ancienne Helvétie, d'ailleurs elle a écrit un poème de ce nom que, même ayant rompu la barrière des 30% de capacité cérébrale (ce dont vous êtes plutôt loin), vous seriez incapable
d'égaler.
D'abord pourquoi cette risible astuce littéraire ? Parce que de vous je m'en contrefous aussi vrai que votre commentaire ne
mérite pas de réponse directe et que si je ne vous renvoie rien c'est que je veux parler à tout le monde ;
de poésie. En effet j'ai rarement abordé ce thème dans ma prose pour plus me concentrer sur les délires sans queue ni tête qui sont mon dada .
Maintenant je dois vous dire que je réponds à quelque chose d'assez vague -en plus d'être imaginaire- car je n'ai tout bonnement rien bité à votre charabia. Vous
êtes un très grand poète, sûrement, car même pour un courriel il vous arrive de transcender les normes grammaticales et sémantiques... seriez-vous, comme moi, de la génération zapping abrutie et
illettrée ? Si vous en êtes bienvenue, on vit si bien avec un SMIC diminué !
Le peu que j'ai compris me dit en premier lieu que vous n'avez pas aimé le poème, soit. C'est votre droit et je ne puis contester ma nullité artistique au risque de
me sentir heureux et de ne plus écrire. « Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur » disait Musset avec lequel je ne suis pas d'accord mais comprenez qu'il faut être vide pour
se remplir, cette formulation convient peut-être mieux à votre compréhension limitée du monde et de l'âme humaine. J'ai écrit de belles merdes, j'en conviens. Et si tout ce que j'écris n'est que
de la merde, et je peux le croire, alors je serai le Sisyphe des bousiers et ce sera poétique en soi.
Non, le vraiment exaspérant c'est le second lieu : Je ne vais dire qu'à la fin par quelle expression est entamé votre propos car c'est assez jouissif, hilarant.
Pour vous je forge : « hilarantissime ». Vous le méritez pleinement, de plus « conissime » ne me dit rien. Donc, après le truc drôle, vous écrivez -j'imagine mot pour
mot :
« c'est sûrement une gâtée qui a fuis son nid pour aller rouler sa bosse dans le monde oriental juste pour soit disant y voir plus clair dans l'opium. Sorry,
cela ne me dit rien. »
C'est des arguments pour critiquer une poétesse, ça ? C'est pas du commérage plus empoisonné que les flèches d'Hercule qui percèrent Nessos ? On est à quel taux de
concentration de sang d'hydre, là ? 9 sur 10 ? 11 sur 10 ? 500 sur 10 ? Je vais vous apprendre à avoir honte, et si vous en mourez ça ne fera de mal ni à vous, ni à moi, ni à la poésie. Poison
pour poison.
Premièrement : qui a fui, pas qui a fuis. Au passé composé le participe passé ne s'accorde que si l'objet précède le sujet, monsieur l'écrivain – et même, d'où sort
ce « s »?-. « Ces fleurs qu'il a cueillies/il a cueilli ces fleurs », ça rentre dans votre cerveau de quinquagénaire? Trente ans de plus que moi... et je ne vous ai pas encore
appris ce que c'est que d'avoir honte.
Cette faute d'accord basique pour un texte aussi court est déjà très grave pour quelqu'un de votre statut au sein de votre association imaginaire de poètes
imaginaires mais vous avez dépassé les limites de la vertu que vous vous prêtez en ne faisant qu'une chose : Calomnier les morts.
D'où croyez-vous sortir, gentilhomme que l'on dit sympathique ? Votre trainée de grand-mère fumait-elle de l'opium ?
Et bien Alice de Chambrier non ; une bouffée l'aurait tuée. L'orient elle en a sûrement rêvé car elle restait cloitrée dans les environs de Neuchâtel en s'acharnant
à être la plus aidante et la plus souriante tout en écrivant une œuvre qui, toutes éditions comprises, s'est vendue à plus de dix mille exemplaires entre 1889 et 1892 et qu'elle était lue
jusqu'en Norvège (j 'espère que vous ne prétendez pas connaître l'histoire de la poésie suisse romande). Elle a gagné quelques concours, reçu post mortem les félicitations de Sully Prudhomme.
Post mortem car le temps fut court pour ceux qui la découvraient ; votre gâtée, du fait de sa petite santé, est morte à 21 ans d'un coma diabètique.
La honte devrait commencer à venir, sinon vous êtes immoral.
Mais vous ne l'êtes pas, vous êtes ce que Nietzsche appelle un « ami de la moralité instinctive », un coincé du cul. L'orient c'est mal, l'opium c'est
pire. Qu'est-ce que ça peut vous foutre qu'elle aille rouler sa bosse dans des nations qui, à cette époque, étaient guerrières et isolationnistes ? Elle y serait allée qu'elle aurait découvert la
philosophie bouddhiste, le tao, l'Art de la guerre, le confucianisme, le kabuki et que sais-je encore qui puisse valoir le coup d'aller y rouler sa bosse.
Ni orient, ni opium... dites directement que Baudelaire c'est du pipi de chat. Si vous savez deux ou trois trucs je ne vous explique pas ce rapprochement. Pour
soi-disant y voir clair... c'est quoi y voir clair ? On surnomme Nerval : le lucide. Si vous savez deux ou trois trucs vous comprendrez.
Et quoi la drogue c'est mal ? Votre histoire de la poésie commence au jour de la pénalisation de la consommation de drogues dures ? Ça vous fait louper pas mal
d'œuvres essentielles... c'est bien connu, les Contrerimes de Paul-Jean Toulet c'est de la daube :
L'amour n'est plus. Le jour viendra-t-il que j'oublie,
Nouvel et noir venin, ta puissante folie ?
[...]
Invisibles regards qu'on sait qui nous verront,
Fumée où se dérobe une présence abstraite,
Les flambeaux ont noirci. Quel mystère s'apprête
Qui met une sueur d'épouvante à mon front.
Et j'en passe ! Voilà le rapport entre la poésie et l'opium ; je vous crèverais les yeux que vous n'y verriez pas plus clair que lui. Ces vers ont été sacrés comme
ceux du plus grand poète français par Jorge-Luis Borges. Mais ce n'est pas grave continuez à vous mesurer aux titans, jolie mouche, c'est bon pour votre honte.
Puisque je parle à tout le monde je vais élargir le sujet ; l'opium c'est pour les petits joueurs, parlons de mescaline.
Michaux ça vous dit quelque chose ? « Misérable Miracle »? Les surréalistes ?
Ça ne m'étonne pas ; vous êtes moins pour le dérèglement des sens que pour le règlement de compte, vous ne plongerez pas tel un clown abattant dans la risée le sens
que contre toute lumière vous vous êtes fait de votre importance, pour ça... Faut pas dire sorry quand on est un banal civil qui n'y connaît rien en tréfonds de l'âme et qu'on se prétend poète :
faut la fermer.
Il est l'heure de vous tuer en retranscrivant votre message imaginaire en entier, pardonnez-moi si je mets le plus cocasse en gras :
"Je n'aime pas c'est tout! Ça saute du coq à l'âne. ça n'a ni queue ni tête, ça n'a pas de sens mis et ça ne sait pas
de quoi elle parle mis à part un charabia supposé être savant et poétiqzue. Je ne la connais pas
mais c'est sûrement une gâtée qui a fuis son nid pour aller rouler sa bosse dans le monde oriental juste pour soit disant y voir plus clair dans l'opium. Sorry, cela ne me dit rien."
Et dire que dans le monde imaginaire où je vous ai mis vous êtes un poète estimé ! Quelle faiblesse d'esprit pour un prétendu héritier d'Homère autant que d'Orphée, c'est à dire de là d'où viennent l'homme et les dieux. Vous êtes ridicule, je n'ai fait
que répondre à ce message alors que je pourrais un peu parler de vos poèmes imaginaires, histoire d'entamer les scarifications, mais je préfère m'arrêter là.
Sur ce : Alice de Chambrier est ce que Rimbaud nomme ma « sœur de charité » (femme ou idée) et je l'ai trouvée et je ne laisserai pas le
moindre cloporte, le moindre scolopendre à mandibules jalouses dire un soupçon de mal d'elle. Pour des saintes on en a égorgé plus d'un... Gardez votre fiel pour son œuvre et nous pourrons
discuter à ce moment là de littérature.
Mais si tu touches à ma meuf : je t'éclate.
PS : C'est pas soit disant mais soi-disant, ça signifie que le sujet (soi) dit. A ce propos un article de
l'université de Bloch, monsieur l'écrivain.