Dès la dilatation de l’œil qui s'ébahit,
Dès le frissonnement de colonne concave,
Dès l'âme qui s'émeut et le cœur qui se gave
Et gonfle d'être par toi, la seule, envahi
Je sais que je le peux, aimer : le grand labeur !
Ce chemin sous le ciel à s'abreuver de l'autre...
Ce mauvais coup du sort, trente sous de l'apôtre
Donnés par l'angelot au buccin de vapeur...
Belle comme si tout avait signé le bail
Pour vivre près de toi, loin de toi, sur la terre
Où ton nom se faufile effarant mystère...
Belle comme si tout n'était qu'épouvantail :
Les grands oiseaux, ceux-là qui masquent le soleil
A l'heure où l'aube semble être un peu notre mère ;
Et cet enchantement accoutré de lumière
Des étoiles tombées vers le dernier sommeil ;
Tout ! Alors je peux bien t'aimer comme l'ont fait
Les rois défenestrés, les dieux taureaux, l'ivresse
Des poètes mourants dans leurs pleurs, une messe
Aux lèvres pour l'amante au mensonge parfait.
Je peux... Je peux... Mais toi ? Que fais-tu de mes mains
Faiseuses de forfaits, de mes mains balafrées,
Qui fouillent mon esprit comme dans des diarrhées
Pour en extraire perles, saphirs et jasmins ?
Du monstre, qu'en fais-tu ? Celui qui me combat
Sans compter ses échecs, de ce monstre sublime
Qui prend tout le miroir à la minute intime
Où je ne suis que peur, cris, rires et sabbat ?
Tu peux ? Je peux ? Si nous pouvons être entrelacs,
Deux parmi l'univers à le croire inutile
Si l'autre n'est pas là (lors tout l'or qui rutile
Est une farce) aimons-nous sous les hauts gaïacs !