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29 octobre 2009 4 29 /10 /octobre /2009 09:25
Un très vieux texte à juger avec précautions, comme tout.
Un homme dans un tas :


  Un homme est né... N'importe quand... Son destin était sans âge. Disons qu’il naquit aux environs du comble de l'humanité... A cette époque elle s'entassait déjà et lui était né dans un tas. Dans un tas d'hommes. Pour les différencier on leur donna à chacun un nom. Le tas d'homme fut transformé en tas de noms. Le sien fut Rio... Car un tas assez connu dans son monde s'appelait ainsi et ses parents se rencontrèrent 9 mois auparavant en ce dernier, précisément dans une discothèque.

  Alors Rio était né. A sa sortie il pleura car il n'était pas agrégé en philosophie donc naître ne l'intéressait pas. Il ne se voyait pas d'avenir sinon une quasi immobilité humide et douillette; malgré cette silencieuse et invisible volonté on lui infligea brutalement la lumière et les cris qui, il le comprit plus tard, signifiaient de la souffrance. Les aboiements de joie de son père étaient assez diffus depuis le bar PMU ou il fêtait la victoire de Lyon sur Barcelone lors d'une course au ballon rond: "Ce qu'on leur a mis aux velus!". Même plus tard Rio ne pu saisir le sens de cette phrase puisque son père n’avait pas joué ce match et que sa mère était Madrilène de sang. Mais il aima son père. "Pourquoi comprendre? Il suffit d'aimer!" Voila ce que disait sa mère lorsqu'elle justifiait la barbarie humaine. Cette déclaration aussi plus tard il ne la comprit pas, mais il sut au même moment qu‘il n‘en avait aucunement le besoin.

  Rio grandit ainsi entre la passion du football et l'amour universel, ce qui en fit un être assez équilibré. L'école ne fut pas une épreuve absolument douloureuse, a contrario de certains de ses camarades dont il fut le bourreau. On le surnomma tout de même Clio pendant un temps, puis Renault un autre afin de terminer son adolescence en tant que Naur. C'était un jeune téméraire et railleur, cela lui valut un certain charisme qui attira nombreuses plates ou tortueuses conquêtes avec parmi elles Lucille: Sa future femme: un esprit vif et un cœur plus transparent que la moyenne... ainsi qu’un visage fin; il l‘aima très vite. Il fut tenté par la plupart des drogues pour finir charmé par certaines. Seulement charmé.

  Naur obtint son bac avec mention puis supplia un maçon de l'engager comme apprenti. Là il découvrit le bâtiment; toute une fratrie d'individus au comportement excessif et malsain qui paraissaient tous socialement décédés sinon dans ce milieu. Il vivait dans un monde ou si l'on travaille bien l'on peut se permettre tous les abus sans être exclu du groupe. Un monde magique. Au début plutôt réservé, Naur sombra dans l'addiction au saucisson, aux jurons et au vin qui était le quotidien de ses collègues, et cela débutait tôt le matin. A la fin de son apprentissage Naur obtint le privilège de pouvoir hurler « J’arrive! » quand un travailleur criait "Maçon!". Si plusieurs maçons sont interpellés de cette manière c'était le plus gradé qui était visé. Et chaque branche fonctionnait ainsi. Cette osmose de sauvagerie pure s'entretenait sans grief sauf lorsqu'arrivait l'architecte, Naur le maçon sifflait beaucoup de haine lorsqu'il constatait:" Tiens, y'a l"archi". Car l'architecte ne faisait pas respecter les plans tel un général guiderait une armée mais il tanguait subitement d‘un avis à son extrême opposé.

Rio Naur le maçon défonça et construisit des milliers de murs entiers jusqu'au jour ou il eut cotisé le nécessaire pour partir en retraite. Entre temps ses parents moururent; cela le fit pleurer régulièrement à grandes et petites larmes pendant 65 jours. Il eu aussi un fils avec Lucille. Il le nomma Janeiro puis l'aima et le soutint du mieux qu'il put dans le peu de temps qui lui était imparti. Son métier avait briser sa santé et son amour pour lui avait fait s'effondrer ses raisons de vivre à la seconde même de son départ de la boîte. Lorsqu'il serra les ultimes poignées de mains on le questionna sur un futur passage. Un bref. Pour passer le bonjour. Il promit avec foi et impatience qu'il reviendrait. Mais il ne revint pas car le soir même il chuta du haut de l’escalier qui joignait l'étage des chambres au rez-de-chaussée puis mourut 311 heures après sur un lit d‘hôpital à la suite de diverses fractures et explosions de son anatomie.
Lors de sa disparition le tas ne diminua pas...  Elle lui fut imperceptible... Ainsi les hommes devenus noms s'en allaient et venaient, ce n'importe quand.

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29 octobre 2009 4 29 /10 /octobre /2009 07:41
Incantations - I :
L'enfance.


Dans la boîte à jouets myriade d'univers.
Entassés en monceau dans un coffre bouffant
Combien d'Arche Perdue, combien de Gulliver
Prêts à jaillir encore au regard de l’enfant?

Ces yeux là qui ont vu les tout petits cercueils
En fils et noeuds de chêne, avec des clous de buis,
Où dormaient en brillant et drapés d’une feuille
Les esprits du printemps et les fées de la nuit.

Si court rêve innocent que la toute jeunesse!
Innocence du rêve, innocence sincère!
Pureté de diamant taillée dans la faiblesse
Et amour de la vie taillé dans de la pierre.

Que faut-il pour combler ce petit coeur sans fond?
Une montagne russe? Un tracé de marelle?
Les rayons du soleil pour se chauffer le front
Ou un sommeil léger à l’ombre d’une ombrelle?

Un crâne comme une île immense sur la mer
Qui n’apparaîtrait que masqué par de la brume?
Un trésor enterré sous une croix de fer
Par un pirate mort de soif et d’amertume?

A l’internat tel un exilé sans famille ;
On voit de l’avenue sur un mur de volets
Une fenêtre ouverte, une ampoule qui brille :
Il dessine le monde au coin de son carnet.

Il dessine et il ne dormira pas une heure,
Il dessine avant que ses larmes ne s’enfuient,
Qu’il ne s’avoue vaincu et seul face à la peur,
Il dessine tout près de la lampe qui luit.

Peindre les monuments en dépassant les bords,
Et la bouche d’adulte avec des dents de loup
Et la tête du diable au sommet d’un ressort
Et de vives couleurs un hôpital de fous

Et des animaux neufs sur un bulletin gris
Et des nuées d’oiseaux sur le front des remparts
Et, à la craie, au sol, un peuple qui sourit
Et sur le papier blanc la moisson du regard.

L’enfance se dessine avec un faux miroir
Au tain plein de folie et de rêves vainqueurs
Fondu pour adoucir le monde adulte et noir
Aux plus candides yeux, aux plus simples des coeurs.



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28 octobre 2009 3 28 /10 /octobre /2009 06:44
Un 31 décembre .


Dans la ville endormie, à l'ombre des regards,
Dans les bras de l'hiver et dans les mains du givre
Il s'était installé dans un recoin de gare
Et murmurait au mur, abandonné et ivre,

Ses mots coulaient le long de sa barbe en broussaille.
Quels joyeux souvenirs lui montaient à la tête?
Ceux d'un autre destin que celui de piétaille
Ou ceux de son enfance et de ses jours de fêtes?

Ou quel vain regret vint percuter son cerveau?
Celui du glissement de la meute à la marge
Ou du premier sommeil au creux d'un caniveau,
Attendant que la pluie l'emmène loin au large?

S'est-il dit qu'un matin, enfonçant le brouillard,
Une main
douce et fine se tendrait vers lui,
Et, la brume en bandeau comme à colin-maillard,
L'emporterait soudain vers un chaud paradis?

Quand est-il descendu sur le chemin d'Orphée?
Lui a-t-on trop donné ou lui a-t-on trop pris?
Quand l'a-t-on de fortune et de brun  décoiffé?
S'est il voulu plus libre? En a t-il su le prix?

Pas de soirée télé ni d'abrutissement,
Ni les cent pas en rond de l'amoureux d'ennui,
Ni d'un couple la chute ou l'accomplissement ;
Cette nuit pour cet homme il n'y eut que la nuit.

A l'aube l'ambulance ou un long nouvel an.
Pour l'heure il murmurait au mur devant sa face,
Qui avait meilleure ouïe que la plupart des gens ;
Les rêves, les regrets, et les maux de sa classe.

Le lendemain on su qu'il avait disparu.
Disparu! Carrément! Sans affaires ni corps?
Ses deux gros baluchons, son fond de vin bourru,
 Et lui ; où étaient-ils?
Jetés au lac, et mort.




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22 octobre 2009 4 22 /10 /octobre /2009 04:57
L'incompris.




Je suis incompris :

Je suis allé, en tous langages,
Réciter mes voeux fous et pieux,
J'ai articulé de mon mieux
Mes inventions et héritages.

Ils n'ont rien compris.
Ils n'ont rien compris.

Le long de mon pèlerinage
J'ai répandu, parcimonieux,
Ce que je croyais ingénieux :
Mon butin, mon maigre bagage.

Ils ne l'ont pas pris.
Ils ne l'ont pas pris.

Sous leurs regards remplis d'orage
J'ai clamé des vers licencieux,
Raconté la terre et les cieux
Et développé davantage.

Il n'ont rien appris.
Il n'ont rien appris.

Je ne voulais pas leurs hommages,
Ou leurs longs discours élogieux ;
Juste que ce qui m'est précieux
Ne s'efface pas dans les âges.

J'ai eu leur mépris.

J'ai pensé que le colportage
Des mots des penseurs prodigieux
Et des poètes laborieux
Ne méritait pas le lynchage.

Je me suis repris :

Sur le marché à l'étalage
J'ai vendu mon âme au milieu
Du futile et du dispendieux,
Du stupide et son apanage.

Dont ils sont épris.

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21 octobre 2009 3 21 /10 /octobre /2009 05:37
Jusqu'où mon vain sanglot ...



Jusqu'au delà des gens l'amour que je te porte,
Jusqu'au dernier perron de la dernière porte,
Jusqu'au Cerbère avide aux babines sanglantes,
Jusqu'à l'asile absurde où l'âme naît démente,
Jusqu'à l'éther étanche aux voeux et aux ballons,
Jusqu'à, exténué, mourir à tes talons.

Jusqu'aux cités de Dieu, jusqu'aux villes maudites,
Jusqu'au mur du réel, jusqu'au portail du mythe,
Jusqu'au haut pilori, jusqu'au grand échafaud,
Jusqu'aux maternités, jusqu'aux pieds des tombeaux,
Jusqu'aux geôles d'acier, jusqu'aux plaines sans fin,
Jusqu'au souffle dernier expiré sur ta main.

C'est qu'il n'est pas à  moi ; le plaisir de te plaire,
Jusqu'où mon vain flambeau brûlera-t-il de l'air?

Jusqu’au terreau bizarre accueillant des insectes,
Jusqu’à la grande fosse aux cadavres infectes,
Jusqu’aux ruines de cendre érodées par le temps,
Jusqu’à la tour tenace assaillie par le vent,
Jusqu’à la mine immense emplie d’alexandrite
Jusqu’au fond de ton coeur, plus loin que ton mérite.

Jusqu’à l’aube épanouie sur les lignes de blé,
Jusqu‘au château perdu sans adresse et sans clé,
Jusqu’à la forteresse en crêpe et carton-pâte,
Jusqu’au désert doré au soleil écarlate,
Jusqu’aux lacs déployés dans la montagne blanche,
Jusqu’à la volupté dans le creux de tes hanches.

C'est qu'il n'est pas humain ; le luxe de te plaire,
Jusqu'où mon vain flambeau brûlera-t-il de l'air?

Jusqu’où suivre tes pas, ton dos, ta silhouette,
Dans le sombre horizon ta démarche muette,
Tes genoux caressés par l‘herbe et la rosée,
Ta nuque et tes cheveux à la lune exposés,
Les volants de ta robe éparpillés au soir
Qui sans cesse se noient dans l’absolu du noir?

Lampadophore triste de ne pas te plaire,
Jusqu’où mon vain sanglot sera porté par l’air?


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20 octobre 2009 2 20 /10 /octobre /2009 05:19
Chronique du temps - Prélude.




Les temps étaient réels où les hordes régnaient
Sur les sèches toundras et sur les monts venteux.
A leur prompte arrivée les lueurs s’éteignaient,
Les villageois terrés pleuraient dans l’ombre, anxieux.

Les temps étaient réels où les grands prédateurs
Allait chercher chez nous de quoi remplir leur panse
Et soudain dévoraient sous l’oeil du spectateur
Un visage fleurit des saisons de l’enfance.

Les temps étaient réels où le magma furieux
Déferlait en fumant sur les moissons nouvelles,
Subitement figeait les larmes dans les yeux
Prenant de la surprise une image éternelle.

Les temps étaient réels où le froid assassin
Repoussait l’être humain aux portes de la mer
Où , instantanément, se congelait un sein
Privant de nourrisson les bras nus d’une mère.

Les temps étaient réels où le mal et la fièvre
Soufflaient sur les contrées le courant mortifère,
Portant, soudainement, des langues jusqu'aux lèvres
Et dans tous les baisers le brasier de l'enfer.

Il ne fut aucun temps où les anges régnaient
Sur les palais du ciel au marbre nuageux,
Où, lentement, le foie du Titan qui saignait
S’effaçait dans le bec de l’aigle pernicieux.

Il ne fut aucun temps où le grand créateur
Nous apportait la vie dépourvue de son sens
Et comme au ralenti lançait le réacteur
De l’appareil tortu des dégénérescences.

Il ne fut aucun temps où Cupidon curieux
Essayait sur Adam ses flèches éternelles,
Où, doucement, il lui inter-changeait ses voeux
Et lui fit ressentir des affections nouvelles.

Il ne fut aucun temps où, fou d'entre les saints,
Un oracle inscrivait son diagnostique amer
Et mollement croyait de ses délires craints
Du commun des mortels les hideuses chimères.

Il ne fut aucun temps où le loup et le lièvre
Coexistaient pareils à deux semblables frères.
Se louangeant sans heurts lors de discussions mièvres
Et sans instinct mauvais concluaient leurs affaires.

Il fut un temps réel d’origine du monde
Qui dura plus longtemps que le temps de l’humain,
Plus longtemps que le sable et que les dunes blondes
Dans le grand sablier de tous les déserts plein.

Plus longtemps que le temps et toutes ses mesures,
L’horloge et la clepsydre et la fontaine d’eau
N’étaient pas là encore ensembles que l’usure ;
Il fut un temps réel disposé en monceau.

Le monde à l'origine avait un temps réel,
Après ce temps réel vint le temps de l'humain ;
Un temps vif, saccadé, infernal et rebelle
Amputé dans le tas  de temps réel et plein.

Un temps strié d'années, d'heures et de secondes,
De siècles et d’instants et de milliers de sceaux
Qui portèrent l'usure au temps réel du monde ;
Vint le temps de l'humain disposé en morceaux.

Et l'humain allongea des camps sur les collines,
Il devenait berger et chasseur à la fois,
Il mourrait en doutant de ce qui se destine ;
Ce doute persistant fît naître en lui la  foi.

L'humain donna un dieu à toute frêle chose
Pour ne pas s'inquiéter de l'incompréhensible,
Il savait respecter l'autorité des roses,
Il se savait petit, et il se croyait cible.

Il était en tribu, l’humain originel,
Puis il devint dévot, voyageur, gueux ou roi.
En ce temps incertain il se fit infidèle
A l’humain et aux dieux auxquels il se voua.

Il ne fut aucun temps où, crime primordial,
L’agriculteur tuait son frère le pasteur
Et où le premier sang sur le tertre mondial
Dans une flaque rouge étalait le malheur.

Aucun temps, je vous dis, où la femme naïve
Ouvrait d’un oeil curieux la boîte empoisonnée
Puis, feignant la surprise, arguait d’une voix vive
Qu’ils avaient tout prévu quand les dieux l’ont donnée.

Par contre il fut un temps où l’humain déloyal
S’exerçait à lutter contre l’humain fidèle
Aux dieux ou à l’humain de sang gueux ou royal ;
Cela était le temps des premières querelles.

Le temps humain après le temps des origines
Était ce temps brutal où naissaient : Les pêchés,
Le premier lupanar, la première officine,
Le premier à mentir, le premier à prêcher,

Le premier à graver l’histoire de l’humain,
Le premier incrédule apte à la démentir,
Le premier insensible à se faire assassin
Et le sage premier prônant le repentir,

Le premier désireux de la première femme
Donc la première femme arrogante et fragile,
Le premier forgeron donc la première lame,
Le premier exilé donc le premier asile,

Le premier accusé donc la première pierre,
Le premier criminel donc le premier barreau,
Le premier souffrant donc la souffrance première,
Le premier torturé donc le premier bourreau,

L’événement premier donc le premier lassé,
Le premier adoré donc le premier haï,
Et de par cette haine à la suite amassée
Le premier adoré fut le premier trahi,

Le premier mur percé de la première porte,
Le premier promontoire et la première cave,
Dans le premier recoin le premier des cloportes,
Le premier territoire et la première enclave,

Le premier pont surplombant les flots ravageurs
Et le premier barrage endiguant leur démence,
Le premier des noyés, le premier des nageurs,
Le premier corps flottant au départ de l'errance,

Le premier musicien, la première danseuse,
Le premier cri du coeur lâché sublimement,
Le premier vers inscrit, musique silencieuse,
L'art premier, l'absolu, le plus beau dénuement.

Ce fut le temps premier des premiers phénomènes
Qui sans manichéisme éclosaient sur la terre ;
La candeur, la splendeur, le désir et la haine
Apparurent premiers mais derniers pour l'Ether.






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3 octobre 2009 6 03 /10 /octobre /2009 04:50


A René Broissand
:
  
  Publier un texte réservé, destiné à un proche est une honte, a
lors p
ar une pirouette je vais y échapper, regardez :
 
  La deuxième partie se situe dans un endroit célèbre à mes yeux car en 1896 un homme à part a participé à la ruée vers le gel de l'Alaska magique, de Alaska d'or.
Cet homme fut un canard, arborant des favoris et peu enclin au partage.
A cette époque là il n'avait ni guêtres, ni redingote, ni trésor ; c'était un miséreux qui n'avait qu'un seul sou et l'échec sans fin. Quand il quitta la ruée il était riche, davantage que tous ceux qui l'avaient dépouillé. Un tournant. Une réussite? Sûrement... Car il faut savoir que Balthazar McPicsou était un prospecteur et violent et  misanthrope et irascible, le fait qu'il soit devenu riche a juste rajouté à cette carapace sécrétée par son vécu l'avarice. La fortune ne l'a pas foncièrement transformé.
Si j'essaye de faire entrer, maladroitement, mon personnage sculpteur dans sa peau et ses plumes c'est que ce texte est finalement destiné à 
Keno Don Hugo Rosa, qui en publiant La jeunesse de Picsou, m'a fait comprendre à dix ans le prix du rêve, sa rançon brutale.

Vous avez vu?
Sur ce :

A Don Rosa :

Le sculpteur d'or:

  "- Assied-toi, amateur de musées, toi qui mille fois est mort d'un syndrome de Stendhal. Toi dont les yeux nus ont vu l'atome de peinture ; toi dont le coeur est vain loin des oeuvres des maîtres. Assied-toi.

  En premier lieu j'ai eu des mains, que j'ai articulé sur un orgue de vent quand garçons et filles jouaient à s'embrasser. Il me fallait combler le néant dans mes paumes, donner à ces doigts de quoi faire.

  Un jour, j'étais chez ma tante  dont la propriété était traversé par un ruisseau aux environs duquel, exigence de la nature que l'on prend pour miracle, le sol était argileux ; je mis les mains dedans. J'ai sortis un tas de cet argile et l'ai posé sur un terrain plus sec, je n'aimai pas son aspect, il devait être comme je le voulais, absolument!
Alors j'ai malaxé, enfoncé, frappé, roulé, compacté, étiré ; la musique était là! Mon orgue chantait! Il retentissait dans cette masse qui était pour moi difforme tant qu'un seul millimètre m'éloignait de mon rêve!

  Est né ma première sculpture que ma tante a balancé à l'eau ; c'était un étron, j'étais enfant, tu vois.


  A mes dix ans j'ai connu la forge, le métal, le feu. Dans ce semblant d'enfer j'ai crée de mes mains mon propre paradis. J'ai su ce que c'était, leur donner naissance puis côtoyer des golems dont la vie muette et immobile continuerait sans moi. Avec, discrètement, dans un coin, mon nom.







  Adolescent je partais pour un pays lointain, une région de neige nommée le Yukon.
J'y allais quérir du métal rare, de qualité pure. J'ai cherché longtemps dans ces steppes, ces forêts, ces rivières. L
à bas ce n'était que pâleur, froid, loups féroces, prospecteurs meurtriers et charognards au ciel, rien d'autre. C'était dur, tu pense! Mais j'avais un rêve, moi, qui surpassait demain, et tous les lendemains jusqu'à la fin du monde. Je l'ai trouvé ma montagne abondante et inexplorée!
 

  J'y ai brisé des pioches, mes os, ma civilité. Je suai dans le froid des tunnels, mes bras se détachaient de mon esprit à chaque excavation, je mangeai très peu et prenais le minimum de repos. Je me voyais abandonner quand je découvris un gisement où le foetus du monde avait étendu ses bras potelés en de multiples filons, ça brillait sous la terre et la boue! Ça se sentait, tu vois! Il ne manquait plus qu'à faire jaillir les pépites!
  
J'ai récolté, fait des chargements, j'ai crains pour ma vie ; j'avais si peur qu'on me dérobe la chair de mes futurs enfants. J'allai de par les chemins les plus obscurs, entre les crevasses. Sur le banc à l'avant de ma carriole j'avais un fusil. Je ne ressentais aucun besoin de richesse ou de faste ; j'avais une fièvre différente de celle des autres pionniers mais au remède semblable : L'or, et pour lui, je pouvais tuer et mourir, comme eux.
Rassure-toi, je n'ai tué personne! Personne n'a tenté de me voler.

 

Au bout de mon parcours : Dawson. Une ville dont chaque âme était un bras armé pour la loi du profit ; faux concessionnaires, prêteurs sur gage, casinos flottants, cabarets ou dansaient des putains aux paupières surchargées d'ombre et aux dents jaunes, shérif gonflés de lâcheté, marchands sans prix fixes...
Les huskies traînant leurs vieilles pattes qui ne pouvaient plus courir se soulageaient au milieu des chaussées, il y avait aussi des ivrognes qui y mêlaient leur vomi. Les effluves du fleuve Klondike, mixture des déchets des mines et de quelques macchabées, accomplissaient une haleine féroce qui flottait près des narines.



  Dawson... Avec ses baraques construites du bois des forêts alentours dont chacune était remplie de fous de poudre, de cigarettes et d'alcool, elle cramait de temps en temps. Mais l'or n'était pas ailleurs ; il leur fallait la rebâtir, des fondations aux charpentes.
En fait, à Dawson on ne vivait pas vraiment : On construisait, sa maison, son rêve. Elle n’en avait que faire, sa tribu de sauvage, que ses biens s’échappent dans une fumée dense et lourde qui quittait le plus ardent du foyer rejoindre le ciel glacial. Tant qu’elle avait sa besace où s’entrechoquaient son revolver, son sachet de pépites, sa flasque et le petit cadre qui contenait l’image de ceux qu’elle aimait elle pouvait rire aux nues, les insulter du poing et repartir au coeur de la ruée.
Parmi elle je devais trouver un banquier honnête, il en existait un là bas, il était très âgé, en âge de mourir au moindre faux mouvement. Il comptait sur son voisinage avec le shérif pour survivre, une mince sécurité...
Une fois le change accompli, je devais me montrer discret, masquer ma face d’homme le plus riche de la ville. C’était juste une partie de l’or, de quoi assurer un fret le plus sécuritaire possible.
Et à mes vingt huit ans j’ai quitté le nord sauvage.

 


  La grande ville, les foules, les premières Ford, les femmes chapeautés... Tu sais, à cette époque, sous les larges vêtements il fallait deviner leur corps, il n’était pas évident comme aujourd’hui. Le sculpteur que je suis les trouvais bien plus belles.
Je respirais à poumons pleins les prémices de la pollution que l’on connaît. J’en avais rêvé dans le Yukon de ce souffle vicié, j’avais rêvé les angles des trottoirs, les Yorkshire sans attraits avec des petits rubans aux oreilles, leurs rombières, le brouhaha d’un troquet sans coup de feu soudain. Et dans cette ville là je rêvais du Yukon.


  Je me suis installé dans un atelier vaste et je l’ai recrée. J'ai sculpté la louve à l'agonie, louveteaux aux mamelles ; le saumon éviscéré par un ourson joueur ; le pionner vampirique au regard brillant ; le vieux banquier tremblant derrière son guichet ; la robe de la danseuse volage ivre dès le réveil ; les casinos flottants aux flancs assaillis d'injures et sur son promontoire ; l'aigle paré au carnage. Et bien d'autres choses n'illustrant au fond que la cruauté naturelle de la sauvagerie.

 Ils aimaient ça, les citadins: La sauvagerie! Pour eux elle se restreignait aux portes des appartements donc ; elle n'existait pas. Il leur en fallait. Les galeristes ont fructifié avec la moindre de mes sculptures, on citait mon nom pour être cultivé , d'abord des articles et puis des premières pages, des colifichets puis d'authentiques médailles, le dédain ensuite la jalousie...

  Alors, on a commencé à m'accuser de plagiat, de n'importe qui à propos de n'importe quelle infime ressemblance. Je leur ai dit aux journalistes: Je ne copie que celui qui a fondu les astres ; j'invente!

   Mais aucun ne voulait le comprendre! Ils me demandaient « A propos des accusations de... » et je coupais court, je parle d'art, moi, pas d'infamie, pas de polis massacres. C’est que je ne savais pas que chez les gens civilisés vivre convenablement signifiait en tuer un ; le porteur de l’ombre qui pouvait vous effacer. Je venais du Yukon, rappelles-toi, on y tuait sans toutes ces manies d’artistes.
 Quand j’ai compris cela, avec une seule oeuvre, une sans antécédent, sans descendance, une orpheline que les yeux adopteront, hypnotisés, je leur ai rendu leurs poignards, leur bile, leurs questions imbéciles et leur faux dévouement.




  J’ai entrepris la création du deuxième soleil. Le concept était ce qui est, ce que l’on peut voir au centre exact de la ville : Une couche d’or fin pas plus épais qu’une feuille accolée à un immense ballon de cinquante mètres de diamètre sur laquelle serait dessinée une grande tribu, unie à travers le temps, qui s’opposerait à l’humanité. On ne sortirait le ballon qu’à la nuit tombée et l’on braquerait sur lui de puissants projecteurs.

  A la première élévation de l’astre ce fut l’enchantement mondial, l’inauguration avait pour moi le goût du nectar éternel, de l’ambroisie, je sentais sous mes pieds jaillir de mes années sans autosatisfaction mon Olympe personnel et enserrer mes tempes des lauriers rutilants. Je n’étais plus moi, on applaudissait le ballon qui montait et s’emparait de la nuit, le jour était né de mes mains! Les visages éclairés découvraient un émerveillement comme jamais phare d’Alexandrie ou jardins suspendus n’auraient put en produire! Tous ces fabricants de dirigeables, tous ces monteurs d’échafaudages, tous ces vigiles et ces maîtres chiens qui n’avaient plus ni vie de famille ni lendemains inattendus pour ça!

Ça valait le coup.



 
J’avais mis tout l’or et l’argent que je possédais dans cette réa
lisation, après je n’ai plus rien fait, un peu comme dieu. Sans fils prodigue, ayant majestueusement assassiné disciples et adversaires je meurs à l'ombre de mon propre nom. Tel que tu me vois j'ai disparu... Mais toi tu es là pour ça, avec ton calepin ; me comptabiliser parmi les disparus, un nom en gras sur une frise. Mm... Si c'est comme ça, termine en notant que je suis mort heureux, ça fera un peu rêver. » 



 
 
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2 octobre 2009 5 02 /10 /octobre /2009 04:45
Nils - I :
La mort d'Osiris.

( Mes artères, mon sang, mes reins, mon estomac
Se sèment sur les bords du long chemin de Seth,
Le céleste chacal et le divin paria,
Qui m'a tué jadis en me coupant la tête. )



De mon cou ont jailli les étoiles du Nil,
Le limon argenté, la brume du matin,
Tous les enfants d'Hâpy, les temples et les îles
Le sable du désert, ses dunes et ravins,

Ses roses enterrées, ses tempêtes brûlantes,
Le champ de papyrus, la fleur du nénuphar,
Les voiles et bijoux des mortelles amantes,
Leur danse hallucinante et leurs pinceaux à fard,

La pupille du chat famélique et luisant
Dans les bras d’un vieillard raconteur de chimères,
Le bruit des grains d'épice au tympan d'un enfant
Qui les brasse en riant des embruns de misère,

Le nez perdu du sphinx, le front des pyramides,
Les trésors des cavernes et des sarcophages,
La plume du scribe, du paon, celles splendides
Que l'aigle de vermeil répand sur son passage.

La voix du pharaon, profonde et impérieuse,
Le scorpion camouflé dans le panier frugal,
L'oeil hiéroglyphique à la pupille sérieuse,
Les serres imbibées du sang frais d’un crotale,

La voûte ronde et pure enfermant le grand ciel
Plaquée d'astres montrant l'avenir aux humains :
Viendront Jésus, Moïse et un dieu sans appel,
La chute d'Annibal, les lances des romains,

La couronne du sud, la couronne du nord
Soudées comme au lointain les nues bleues et la terre,
L’Oudjat  perdu du fils, l’éternelle Ankh en or,
Les bras noués du destin et le coeur du mystère.



( L'Égypte de ma gorge a fui comme un blasphème
Dans un ouragan de fumée blanche et violette,
Un hurlement d'effroi de mes deux lèvres blêmes
S'échappa. Je suis dieu, où avais-je la tête? )

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30 septembre 2009 3 30 /09 /septembre /2009 05:37


Le trou dans la mer :

  Je quittai le port un Jeudi, adieu France. Que les flots te portent loin, vieux vaisseau!
Va trouver tes abysses à la fin du naufrage! je ne veux pas voir ça : ta coque fissurée l'infiltration du mal la noyade générale la mort des hiérarchies. Loin de moi!

 

  J'ai dû naviguer deux jours sur l'atlantique. En priant de n'apercevoir aucune parcelle de terre, aucun paquebot, aucun yacht, aucune trace d'intelligence. A l'arrivée du grand tourbillon je ne voulais être secouru ; il s'agissait de se fondre avec la dévastation pour ne pas être dévasté, laisser ma barque portée par les vagues en désordre, ne surtout pas tomber au fond de l'oeil des eaux comme dans un gouffre, et mourir.


 

  Ce tourbillon se laissa prévoir vers la tombée de la nuit ; soudain, L'océan s'allongea, dans un immense soupir qui l'apaisa totalement.
Puis il frissonna avec douceur, débuta un bal de scintillements, les reflets du ciel rouge pétillaient, se croisaient, ils faisaient de beaux pas, s'éteignaient aussitôt, là orange! Là violet! Que la lumière danse! Elle s'exposait brièvement, orgueilleuse, cette colonie rampante de danseurs aux flambeaux.
Le rythme s'accéléra, les frissons se hérissèrent, que la lumière procrée! Et plus de danseurs, des pas plus compliqués, impossible à saisir, les nuances fourmillèrent, envahirent l'océan, le tapissèrent et déroulèrent sur lui la lumière qui vit, la lumiére qui existe ou qui se donne ce rôle dans ce puissant spectacle.
Je sentis au bout d'un moment comme un décalage dans le rythme, que certaines de ces troupes scintillantes étaient portées par un courant insolite, de ci de là mais suivant le même mouvement latéral. Je remarquai que ces troupes dissidentes s'aggloméraient vers un centre, la rébellion s'amplifia assez rapidement jusqu'à ce qu'en ce centre naisse brutalement un trou, comme un dard de vent plongé à travers la surface dont la pointe aspirait l'océan.


  Il était là, le grand tourbillon, au diamètre croissant, je l'ai aperçu lorsqu'il mesurait environ trente centimètres et l'ai clairement distingué lorsqu'il en mesurait cent.

Sa paroi approchait, je me couchai sous la traverse qui servait de banc. Ma barque se pencha doucement, ça allait, puis elle ne put affronter la verticalité du tourbillon et se retourna, si bien que, appuyé sur la planche, mon vaisseau en carapace ; je tombai.

  L'hypnose m'embrassa à la vue du décor qui précédait la fin, car c'était lui: Le grand trou où ombre et lumière chutent désespérément, le trou goulu qui mastique la mer et suce le ciel ; car la nuit était là, il l'avait aspiré. Il avait tout aspiré ; bateaux aux poupes rompues ; bancs de maquereaux ; requins ; poissons velus, bizarres ; les sirènes d'Atlantide aussi ; le calmar géant ; le coeur de Davy Jones ; j'ai même vu des hommes. Tous déferlaient dans l'écume, se cramponnaient, s'étreignaient, lâchaient l'un pour sauver l'autre, et ils tournaient! Tournaient! Tournaient!  Tourbillonnaient  dans les courants, sans résistance possible, je tombais plus vite qu'ils ne tournaient : disparaissant au dessus de ma carapacecomme si ils remontaient vers la surface, en tournant. 
L'immense roulement de l'eau tonnait, c'était plus le rugissement d'une machine que le cri fluide d'une crue ; ça sonnait plus comme une cymbale pleine de rochers qu'un géant, battant le rythme, secouerait tout près de mes oreilles. Je n'entendais pas les hurlements de détresse des sirènes et des hommes. 

La spirale était d'une telle perfection que je ne savais si je tombais ou si je volais.

Je tombais, en fait.


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30 septembre 2009 3 30 /09 /septembre /2009 04:47
Repos:
Près des grands magasins sur les places publiques
Le poids de l'assurance et la croix du mensonge
Que le paraître est lourd je m'allège et m'allonge
  Mammifère fainéant, fragile et aboulique





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