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30 janvier 2010 6 30 /01 /janvier /2010 03:59
Trois jours dans le désert :
Jour trois.

morbid tomatoes by kirbyrevo

Ah! Ca brûle! Mais de quoi je rêvais? Chaque fois, je me réveille au retour d’un grand voyage dont le décor doit exclure le sable et la pierre. J’ai dû rêver d’un monde de bois, d’eau, d’horizons biscornues, de boussoles obligatoires, de festins scandaleux et de salade à volonté. Un monde de tomates. Un monde où le pommier, la glycine, le sapin, la ronce, le chêne et le rhododendron pousseraient de grosses tomates rouges, de celles qui ont la forme du coeur comme on le dessine. Un monde de saisons dont l’hiver laisserait pendre aux arbres nus leurs fruits mûrs à jamais. On viendrait en marchant dans la neige, ou en ski, cueillir une tomate et manger un coeur... Que ce monde devait être doux.



  Je me lève et m’étire. Le rituel peut commencer. Je le commence. Et je ne le finis pas. Les traces... Entre la table et le lit... Les traces sont là. Peu estompées, se tromper serait se mentir. Ne pas les voir... Trop tard. Je peux fermer les yeux, elles sont là. Avec le dessin sous la semelle, la courbe, le renfoncement... Les traces de chaussures sont là. Que faire? Est-ce que je dois les approcher? Tout vérifier? Pour être sûr. Est-ce que je dois être sûr? Je vais les observer un moment. Je m’assois en m’en éloignant un peu d‘elles.
Si ce sont des empreintes à qui sont-elles? Homme? Femme? Tueur fou? Sauveteur? Habitant du désert? Enfant? Si ce sont des empreintes que font-elles là? Pourquoi ont-elles attendu trois ans pour venir se déposer? Pourquoi, à quelques jours près, trois ans? Pourquoi pas deux ou quatre? Si ce sont des empreintes qu'adviendra-t-il de moi?
Qu'adviendra-t-il de moi? Oui ; ce sont des empreintes.

                                            footprint in the sand by Axyk

  J'ai peur. Je ne m'y attendais pas. Je m'y attendais moins que la tempête qui me tombe sur la gueule. Grands vents, souffle de feu, lacérations, assourdissement, torture sans issue : Tout arrive d'un coup. Je suis une tortue dans mes vêtements, plus rien ne dépasse ; je deviens comme un de ces sensationnels hommes troncs mais, la tête enfoncé sous le col, je suis un peu plus rare. J'ai rentré mes pieds car mes baskets se sont retrouvées sandales, rien ne doit dépasser. Mais mes vêtements disloqués laissent de la chair libre et fraîche pour la tempête, et ma chemise, dont j'ai mangé la manche, expose mon épaule au fouet du désert. Le châtiment est millimétré : Chaque petit bout de peau est criblé de sable, il arrive si vite que je ne le sens pas rebondir mais s'enfoncer, et les grains ne fusent pas que de face! Il en vient de tout les côtés, ils me frôlent en griffant une multitude de traits rouges. Ca brûle, ça ne s'arrête jamais! Et chaque plaie se confirme car ils la fouettent encore! Et encore! Et ça rougis, ça mord, ça griffe, ça détecte les cellules épidermiques et ça les détruit! Je n'entend qu'un grondement, je ne vois que mes paupières et je ne sens que la douleur. Et autre chose.
Non. Ce n'est pas possible, vraiment. Qu'ai-je sentis? C'était étrange... J'ai sentis... une main. Une impossible main. Contre mes côtes, au dessus de mon crâne et ça s'est arrêté. Je peux encore tergiverser, à savoir si c'est une main d'homme ou de coyote mais je suis comme pressé par la souffrance ; je dois me concentrer pour la diminuer, j'ai peu de temps donc j'en viens au fait. Et à la marche à suivre : C'est une tempête de sable que je subis, quoiqu'il arrive, même ça, je ne dois en aucun cas bouger.
Il faut que je le crie, c’est aujourd’hui ; le moment qui décidera si je suis fou. Quand-je l’aurai crié il me faudra une réponse sinon c’est la solitude qui m’aura vaincue. Si je le crie plus rien ne sera comme avant, j’aurais passé le cap des névroses du disparu. Mais je ne peux pas bouger ; je dois le crier :

« Il y a quelqu‘un? ».
 
J’attend... pas de réponse.

La tempête s’arrête. Elle a bien sût masquer mes sanglots. Je suis seul malgré la main, aujourd’hui encore il n’y a que moi dans ce foutu désert. Que moi à l’horizon! Que moi, partout! Que moi nulle part. Et personne d’autre... Personne. Que moi, et c’est triste. Aucunement le vent ne souffle d‘une... Mais qu’est-ce que c’est? Tout le sable envolé s’est reposé à terre ; l’insupportable rideau s’est levé pour l’insupportable scène : Ca gît à un mètre de moi, couché sur le flanc, lacéré par la tempête, la chair rose et rouge et le reste habillé ; ça a l’air épuisé. Ca a même l’air mort. C’est réel? Je n’ose pas y toucher, je ferai mieux de me cacher, ça simule peut-être. Si c’est le cas ça réussit sa simulation.
C’est réel, le sable est tâché par son sang.
Trois ans... Je ne suis pas fou. C’est arrivé. Je ne suis ni fou ni seul.

                                             not_a_poet_by_tiny_vertebrae.jpg

   Ca ne bouge toujours pas... C’est vraiment mort? Comment le savoir? Je jette un caillou, sur la joue. Bien visé. Pas de mouvement, ni de paupières ni de bras. J’y vais.
J’y file un coup, dans l’estomac, pas très fort. Pas de réaction. Je m’accroupis vers son visage. Ses longs cheveux sont étalés, ses yeux sont clos, de leur coins intérieurs s’entame une coulée noire qui se termine sur les pommettes. Ce sont des larmes qui ont perdu le charme de l’éphémère. Ca a tenter de les effacer, en vain ; ça les a étalé. Et c’est moche. Avec la bouche mi-close, les lèvres décomposées par le soleil, ça pèle du front, du nez, de la mâchoire, ça mue! Une nouvelle peau pour se débarrasser de ce vilain mascara, avant de mourir. Parce que c’est mort.

                                             
 
Je reste là, à l’observer. Un cadavre, trois années sans attendre quoique ce soit et voilà ce que l‘on m‘envoie. Trois années à admettre que la sable aurait raison de moi en complicité avec l’ignorance universelle. Je n’étais pas perdu, j’étais abandonné ; trois années pour faire ce constat et vivre avec. Abandonné par les hommes là où ils ne sont pas. Strictement abandonné. Je m’y suis fait, mes coups d’oeil au lointain pour m’en persuader. Et voilà qu’une bonne femme vient me tapoter dans la tempête et mourir à  mes pieds!
Qu’en faire? Lui donner un nom. Me vient Sandy. Sandy... Non, plus subtil... Amanda... Lois. Lois c’est pas mal. Enchanté Lois! Ca sonne bien.
« -Enchanté Lois, moi c’est Stuart! Je la secoue.
-Ravie de faire votre connaissance Stu... Je dois ajuster le timbre, on dirait une folle :
-Ravie de faire votre connaissance Stuart! » C’est mieux .
Qui est Lois? Dans cette poche peut-être... Non, alors celle là... Celle là non plus... Cachottière, va! Ca doit être là, oui. Alors ; portefeuille banal, deux cartes bancaires, beaucoup d’argent en liquide, vantarde! sa carte d’identité... Ah, oui. Elle a déjà un nom : Lexus.  Lexus...  Je vais t’appeler Lois, hein , ça te va mieux! Lois Lexus Alligan, née le dix-sept août 1985 à Washington D.C. Qu’est-ce qu’elle vient faire là?  Oh oui ; j’oubliais :
« -Et qu’est ce que vous venez faire par ici?
-J’étais en voyage de noces, le car a fait une pause et ils m’ont oublié. J’ai cherché une habitation et je me suis fait prendre dans la tempête, c’était horrible! Heureusement que vous êtes là!
-Ah, ça c’est sûr, le désert ça pardonne pas... Enfin vous en savez quelque chose, hein? » Nous rions ensemble, elle a le sens de l’humour.
«-Et vous, depuis quand êtes vous là?
- Oh, ça fait une éternité... trois ans d’éternité. Je ne sais même plus de quelle maniêre j’ai atterri ici... Mais parlons de vous, puisque nous sommes coincés ici j’aimerais mieux vous connaître. Et puis je n’ai pas grand chose à raconter. Vous étiez en voyage de noces, quel dommage... C’était le bon, j’espère?
-Oui, c’est dommage... Jeff, mon mari, est quelqu’un d’exceptionnel... Il a sauvé un enfant d’un incendie, vous savez?
-Incroyable! Votre mari est pompier?
-Même pas! C’est ça le plus fou! Non, vraiment, c’est un homme courageux. Il n’a; comme moi, pas obtenu le permis de conduire mais mon Jeff est un héros. Pas comme Ed, mon ancien mari... Vous savez qu’il refuse de me verser ma pension? Même les enfants ne veulent plus le voir, c’est un pochtron. Je ne sais même pas quel mal m’a pris à vouloir l’épouser, ma ...
-Stop! »
Décidément cette Lois m’exaspère. J’ai beau faire dans le détail, elle ne m’est pas réelle. C’est toujours moi qui parle. Lois n’existe pas. Je suis seul avec un cadavre. Je me force à croire le contraire, Lois! Lois! Je suis là ; et toi? Et toi? Silence. Rien n’y fait : Il faut que j’ouvre la bouche pour qu’elle parle. C’est un cadavre, pas Lois.
Que je lui invente toutes les vies imaginables, tous les souvenirs et tous les espoirs inscriptibles dans un destin ne changera pas le fait que je n’ai pas pu la sauver et que j’ignore tout de Lexus Alligan. Je suis incapable d’être sauvé, incapable de sauver... Lexus... Je suis désolé. Qu’est-ce que j’ai fais?  Je n’ai pas sû te rassurer cette nuit en te disant que je n’étais pas dangereux,  je ne t’ai pas pris dans mes bras quand tu m’as averti dans la tempête avant de t’écrouler et j’ai saisi ton corps inerte et parler à ta place. Je suis désolé... Tu es venue pour moi et je t’ai méprisé. Tu es la seule a être venue, je ne peux pas te laisser partir seule...

                                              Desert_by_handsinpantsdance-copie-1.jpg
 
Le soleil retourne lentement brûler le cuir de ceux des antipodes, le ciel rougit et le scintillement des grains de sable dépose sur les dunes un voile de lumières irisées, j’ai passé beaucoup de temps à nettoyer Lexus ; la nuit ne tardera pas. Je vais à ma pierre à ombre et raie un nouveau jour, avec de petits traits perpendiculaires aux extrémités dans le sens du temps passé. Je recompte : mille quatre-vingt dix-huit traits dont un plus long tous les trois cent soixante cinq.

Je vais à mon bureau, je contemple mon chantier, je n’aurais pas pu finir... Il manque encore beaucoup de détails et la pierre n’est pas lissée mais, même de près, ça ressemble à une tomate. C’est plutôt une réussite que cette sculpture! Pour la sueur qu’elle m’aura coûté...
Quant au coyote et à son embryon ils seront entièrement aux vers. Ce soir je quitte le sable. Je m’en vais et je laisse à l’humanité un vide préexistant. Je laisse ma place qui depuis longtemps est prise, je laisse mon nom sur mon oeuvre inconnue et impossible à connaître, je laisse ma silhouette aux mémoires des chacals et j’offre à l’érosion ma bien-aimée demeure, adieu désert! Vieux camarade! Bizuteur acharné! Tu as maîtrisé chacun de mes instants, maudis chacun de mes pas, piégé chacune de mes nuits et vaporisé chacun de mes pleurs mais tu ne m’as pas tué, finalement. Finalement j’aurais été sauvé, quelqu’un est venu me chercher. Et je coopère.
Je suis debout à côté de Lexus, ma pierre-arme à la main ; je lève le bras et frappe de toutes mes forces.

  Si ça fait mal? Je ne sais pas. Je ne sais pas non plus si ça fait du bien... C’est juste définitif. C’est juste le bout du désert.

                                 Alone 2





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14 janvier 2010 4 14 /01 /janvier /2010 04:01
8. Au Japon celui qui volait aux riches pour donner au pauvre s'appelait ronin des noix. Il en avait de grosses.


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13 janvier 2010 3 13 /01 /janvier /2010 05:47
Bilan de l'année :

Cette année fut semblable à celle qui suivra ;
J'ai brûlé des pays de rêves entassés,
Effacé la frontière et la douane. Il sera,
Peut-être un de ces jours, temps de me surpasser.

Il fait froid dans la nuit. Cet hiver est cinglant ;
Au coin du radiateur je fouille ma mémoire ;
J'ai brûlé des pays et des amours sanglants
Et tous les vêtements qui vivaient dans l'armoire.

J'ai brûlé le paraître et ce blog anonyme
Est l'urne funéraire accueillant sa dépouille.
Ici rien n'est signé et qui m'aime me mime ;
Mon minerais de feu ne connait pas la rouille.

J'ai achevé l'amour qui n'est pas quintessence ;
Celui qui dure un temps pas plus long qu'une nuit,
Celui qui manipule et amoindri les sens,
Celui qui se pratique à l'ombre d'un réduit.

J'ai cherché des soleils dans de lugubres nord,
Et des pépites d'or dans des fumiers puants
Ainsi que la saveur violente du remord
Dans des fruits fabuleux, informes et gluants.

J'ai goûté le chagrin avec le rire aux lèvres.
J'ai cherché l'ingrédient, le secret du poison,
La dose nécessaire aux nausées et aux fièvres
Avant que la folie ne mange la raison.

J'ai cherché un vieux rêve à porter pour les
autres,
Une chose obsolète
afin de palier au
Vide. Comme une foi, comme une patenôtre ;
Notre constat d'échec exige un renouveau.

J'ai souffert l'ignorance et l'incompréhension,
Les rires retenus, les regards ennuyés,
L'arrivée des échos avec l'appréhension
Du condamné à mort au mur des fusillés.

J'ai pleuré, les yeux secs, des choses ridicules
Comme la poésie et la littérature ;
Ces grandes oubliées du monde qui circule
Entre des faux miroirs et des caricatures.

Cette année fût ainsi ; soeur de la précédente.
 J'ai brûlé, achevé, cherché, goûté, souffert,
Mais mon premier savoir, sachez que c'est l'attente!
En attendant j'écris ; je n'ai que ça à faire.

Variante : En attendant j'écris, c'est là mon doux enfer.


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15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 10:33
Freestyle_by_AbelViegas.jpg


Si il faut apporter aux coeurs des libellules
Le parfum du printemps et celui de la pluie
Ou un morceau brisé de l'or de nos cellules ;
L'ivresse pathétique et le mauvais esprit.

Ou les dents de rasoirs à ce mangeur d'étoile
Ou le feu du soleil aux larmes de la lune
Ou aux araignées bleues aux aguets sur les toiles
Les cris de nos sommeils et le sang de nos runes.

A quel autel offrir mes rêves écoeurés?
Ce poème frappé du non-sens et du sceau
De ce matin brumeux, sordide et apeuré ;
Matin... Petit matin! Étend-toi sur les eaux!

Genèse minuscule au chaos personnel!
Les chats sont écrasés, les vieilles se lamentent!
Matin! Il est midi... Tu dois être éternel!
Mais sans ses habitants la ville était charmante.

Et l'aube boréale atterrit sur le pôle.
Je ne digère pas la lumière du jour
Ni la foule ébahie, ni la poussière au sol ;
Que le frisson d'étoile et le manque d'amour.

Un spasfon et ça passe! Et la prêtresse mante
Digère son mari quand un feutre écrasé
Dessine un papillon sur une fleur de menthe,
Que, menottes aux mains, un soldat est rasé.

 II

Les ivres trahisons du coeur ensorcelé
Ont poussé cette homme à fuir contre la falaise
Et à fendre son crâne au récif esseulé :
Elle ne m'aime pas! Qu'il ne lui en déplaise!

Pauvre et aveugle bougre! Ah! C'est une démence!
C'est de l'amour, mon cher! Et ça brûle un pays,
Ca écrit un chef-d'oeuvre ou ça offre clémence!
C'est une brume rose! Un brouillard! Ca trahit!

C'est hideux ; l'araignée le confond à la faim,
C'est la complicité et la schizophrénie
Dans une seule tête, et on pleure à la fin!
On pleure, on tape au sol, on angoisse, on frémit!

On meurt. Le sarcophage est épié par la vie :
La famille au chevet se noie de souvenir,
Un testament signé magnétise l'envie
Et la veuve, si jeune, adopte un avenir

Avec un professeur d'éducation sportive.
Ce cycle est venimeux, et enivrant, il semble.
Car on ne se sent pas mettre un pied sur la rive
Où sont les trépassés, où ils gisent ensembles.

Nous sommes enivrés. Amène du plaisir!
Prostitue, que l'on jouisse, un morceau de ton corps :
Le plus inestimable au regard du désir,
Ton portefeuille est vide et tes yeux sont d'accords.

Que je m'enivre plus parmi les enivrés
N'est pas hors de la norme, amène de l'alcool!
Un vin qui a du sucre et dont le goût dit vrai
Sur cette soûlerie  qui fait que l'on rigole.

Vous êtes enivrés ; motos, automobiles,
Solde sur la chaussure et sur le sac à main,
Babioles d'antan, visages immobiles,
Vous obsèdent autant que votre lendemain.

Construire une morale avec du carton-pâte
Ou le papier plié d'une Bible salie
Est une rude affaire et si vos vies sont plates
Allez donc en enfer voir saigner la folie.

III

Je peux vous-y guider, fuyez âmes sensibles,
Les terrain est puant, on y met pas les pieds
Sans se sentir sale et, d'un endroit, prit pour cible,
Constamment malheureux et constamment épié...





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12 décembre 2009 6 12 /12 /décembre /2009 05:29
Styxs - I :
Rive d'attente.

Au bord d'un Styx de sang dans la nuit souterraine,
Dont les rives ne sont fréquentées par personne ;
Sinon quelques guerriers débarqués de l'arène,
Quelques rois étêtés pour l'or de leur couronne,

Quelques usurpateurs qui furent reconnus,
Quelques vieillards finis, usés jusqu'à la corde,
Quelques perturbateurs sentant leur aise nus,
Quelques uns avinés ; pilotes de concorde,

Quelques adolescents simplement effarés,
Quelques accouplements surpris par une bombe,
Quelques fêtards amers ; ils s'étaient bien marrés!
Quelques enterrés vifs arrachés à leur tombe,

Quelques braves pompiers sortis de l'incendie,
Quelques accidentés accompagnés de bornes,
Quelques Adolf Hitler autant que de Gandhi,
Quelques Napoléon ; Bonaparte et tricorne,

Quelques Circé offrant à l’homme l’élixir
Quelques Lady Diana et quelques Cléopâtre,
Quelques Récamier, quelques reines de cire,
Quelques reines de marbre et quelques rois de plâtre,

Quelques héros romains, ou grecs ; c’est à choisir,
Quelques politicards éliminés du jeu,
Quelques maladifs qui ont déjà su moisir,
Quelques inquisiteurs pour la rançon du feu,

Quelques simples mortels disparus des vivants ;
Des terres dévastées, quelques concitoyens.
Tous ont eu le salut et saluent l’arrivant,
Tous sont au bord du Styx. Un singe est leur doyen.


Styx by DeLaV
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10 décembre 2009 4 10 /12 /décembre /2009 05:37
Imititations - I :
Charles Péguy.

CP1


J'écris sous le contrôle et le consentement
De deux mille ans de vers plaqués dans leurs recueils
Et sous le doute affreux et le pressentiment
Que leur encre s'efface et j'en porte le deuil.

Et du coin de ma vie, de mon appartement
Je mène mon navire à fuir de cet écueil
Et de ce siècle fou et cet emportement
Par les vents de misère et par les flots d'orgueil.

Mais je subis l'écume et le bombardement ;
Sur terre comme au cieux n'est offert à mon oeil
Que le chaos prochain et son retardement
Et les larmes des morts humectent leurs cercueils.

Et l'indigence accrue et son débordement
A noyé le soleil d'une marée tenace
Et je subis l'écume et le raccordement
De l'homme à sa violence, à sa propre menace.

Et la souffrance entière et son étranglement
Porte tous les rafiots au loin de la bonace
Et dans la tectonique et son morcellement
Le poète a perdu le chemin de Parnasse.


Et les blés étendus sont le détournement
Des blés originels et le ciel impossible
Toise ses oubliés et leur casernement
Les fige dans un noir profond et indicible.


Et les sciences accrues sans le discernement
Ont valeur de croyance et de foi infaillible
Et l'on se trompe d'astre et de prosternement
Et Parnasse nous reste à tous inaccessible.

Mais je mène, interdit de tout renoncement
Mon navire abîmé jusqu'à l'île magique
Et le sillon marqué par mon avancement
Laisse onduler un chant ancestral et tragique.

Mais je mène à la fin, au recommencement,
Ma plume contrôlée par deux mille ans de vers
Et je crains leur oubli et leur effacement,
Eux qui ont, par les mots, capturé l'univers.


GHCharlesPeguyPortraitParPi


Variantes :

J'écris sous le contrôle et le consentement
De deux mille ans de vers plaqués dans leurs recueils
Et sous le doute affreux et le pressentiment
Que leur beauté s'oublie et j'en porte le deuil.

J'écris sous le contrôle et le consentement
De deux mille ans de vers se suivant sur les feuilles
Et sous la rage vaine et le ressentiment
De les voir s'effacer et j'en porte le deuil.

J'écris sous le contrôle et le consentement
De deux mille ans de vers se suivant sur les feuilles
Et sous la rage vaine et le ressentiment
D'entendre qu'ils s'oublient et j'en porte le deuil.

Dans la dense fumée de mon appartement
Je mène mon navire à fuir de cet écueil
Et de ce siècle fou et ce comportement
Et ce peu de raison et cet amas d'orgueil.

Mais je subis l'écume et le débordement
Et le fil du tranchant aiguisé de l'écueil
Et le crachat du ciel et son bombardement
Et les pauvres instants qui mènent au cercueil.

Mais je subis l'écume et le bombardement,
Sur terre comme au cieux n'est offert à mon oeil
Q'autodestruction nette ou que retardement ;
Que sombre volonté du berceau au cercueil.

Et l'indigence accrue et son sabordement
A prit tous les rafiots dans le filet des nasses
Et je subis l'écume et le raccordement
De l'homme à sa violence, à sa propre menace.

Et la souffrance entière et son étranglement
Porte au plus malheureux le goût de la vinasse
Et dans le nucléaire et son morcellement
Le poète a perdu le chemin de Parnasse.

Et l'élégance altière altère entièrement
Toute sincérité et tout instinct tenace
Et je subis les flots et l'accaparement
De l'homme par l'orage, en quête de bonace.

Et les blés étendus sont le détournement
Des blés originels et le ciel impassible
Se ternit sous nos yeux et notre acharnement
Veut le voir disparaître en l'ayant pris pour cible.

Et l'argent répandu est le contournement
Du mérite au labeur et le ciel impossible
Toise ses oubliés et leur casernement
Les fige dans un noir profond et indicible.

Mais je mène exempté de tout renoncement
Mon navire à Parnasse, invisible aux boussoles,
Où deux mille ans de vers sont le commencement
Du brasier poétique où mon cerveau rissole.

Mais je mène, interdit de tout renoncement
Aux règles établies par deux mille ans de vers,
Mon navire à Parnasse et mon avancement
Laisse un sillon hideux au teint de l'univers.

Mais je mène à la fin, au recommencement,
Ma plume contrôlée par deux mille ans de vers
Et je crains leur oubli et leur effacement,
Eux qui, humainement, ont figé l'univers.

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8 décembre 2009 2 08 /12 /décembre /2009 05:20
L'étoile invisible.



Dans la cour de l'école un vieux platane chauve
Et, adossé à lui, une boule de nerfs :
Un enfant solitaire aux pupilles de fauve,
En tee-shirt sale et court, l'été comme l'hiver.

Il passera la pause à cracher sur le sol,
A fixer une fille à la mode et heureuse
Qu'il aime au point de ne plus savoir la parole
Devant ses yeux profonds, ses paupières poudreuses.

Lui qui n'a ni virgule accolée aux chaussures
Ni carrure d'athlète à exposer au foot
Il lui porte un amour sans commune mesure,
Mais il le cachera, il le fera pour toutes.

Il se taira devant l'injure aux alentours ;
N'ayant de force aux poings ni de mépris au coeur.
Il n'aura pour amie que l'étoile du jour,
Invisible au soleil et aux yeux du moqueur.

Cet astre le poursuit depuis un jour de larmes,
Un jour où le néant vint quérir à sa porte
Son rire, son talent, son bouclier, son arme :
Un jour où il apprit que sa mère était morte.

Depuis ce jour l'étoile à son ciel endeuillé
Luit sans diminuer, sans frisson lumineux,
Son rayon lui apporte un début de foyer ;
Un embryon croissant de flamme dans les yeux.




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4 décembre 2009 5 04 /12 /décembre /2009 16:54
Chronique du temps - Les villes.






Vint un temps d’émulsion et de bouillonnement,
D’hommes qui, par milliers, se répandaient des plaines
Aux rives dans un primordial fourmillement
De têtes chevelues et de boutons de laine.

A la lueur des feux les clans s’amoncelaient,
Se démultipliaient pour mieux se diviser,
Se scindaient en enclos, en maisons, en palais,
En châteaux, en gourbis en hâte improvisés.

Là où la bonne terre et l’excellent climat
Se mariaient sous le ciel pour une vie paisible
L’homme sur la nature attesta son primat
Et sa fragilité en quête d’invincible.

Le
chaume et le granit prônèrent sur le bois
Une domination par le feu et le fer
Et au sol des cités mille chemins de croix
Furent tout indiqués par des allées de pierre.

Elle était érigée ; la race intelligente!
Elle poussait son pue de rues et boulevards
Hors des champs ravagés de façon diligente
Et des forêts tranchées ; son pue riche et avare!

Son pue de marbre et d’or, de murs étincelants!
Ses sombres avenues aux parois écarlates
Et ses places, ces lieux où vont, s’amoncelant,
Les hommes divisés auparavant, en hâte!

En hâte Uruk l’antique! En hâte Ur et Mari!
En hâte Babylone au pays sumérien!
Car dans le temps réel à l’univers tarit
Les millénaires neufs sont peu ou ne sont rien.

Donc en hâte l’humain érigea sa superbe
En des espaces clos de diverses manières
Aux crocs des prédateurs, aux glaciations acerbes,
Aux vents de maladie, aux hordes meurtrières.

En aucun temps Neptune offrit un beau cheval
Que l’homme refusa pour un olivier mûr ;
A Minerve rendant sa bonté triomphale
Et d’Athènes poussant les colonnes et murs.

Aucun temps où, jumeaux d’une semblable louve,
Romulus et Remus placèrent Numitor
Au trône légitime. Aucun temps que l’on prouve
Où Rome vît Remus emporté par la mort.

Les collines par sept couronnant ces deux villes
En aucun temps n'ont vu naître les maisons closes
De la main d'un seul homme inlassable et habile
Ou même d'un seul dieu en mal d'apothéose.

Elles ont vu, par contre, un grand fourmillement
D'esclaves, d'ouvriers, d'architectes, de rois,
De prélats, de catins et le scintillement
De la sueur au front et du sang aux parois.

Uruk également a vu tomber les hommes
Érigeant leur superbe et leur domination
Assoiffés et brisés. Il fut un temps où Rome
Enterrait les romains dessous ses fondations.

Et des siècles après les plus grands édifices,
Reposés sur les morts de dix générations,
Pouvaient toiser le ciel, égaux en sacrifice
De l'autel des cités à celui des nations.





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2 décembre 2009 3 02 /12 /décembre /2009 06:29
Incantations - VI :
La compassion.





Le sang d'or du prophète et celui du martyr
Sont mêlés à ce flux où circule la vie
Que la veine contient pour mieux le repartir
Mais le sang à la tempe assène : orgueil, envie.

La venelle à notre oeil bat des temps de mépris
Dans le dernier métro, au milieu des racailles ;
C'est un meurtre où un viol : le fantasme entrepris,
Et nous fuyons au bruit des freins contre les rails.

Et nous croisons un sac enveloppant un homme
Qui mâchouille sa vie et ses derniers espoirs,
Certes l'hiver est là mais nous faisons tout comme
Si il était de feu et qu'il vivrait ce soir.

Notre route est ainsi et l'oeillet de bêtise
Nous fait continuer droit et sans direction
Autre que notre nez et toutes nos hantises
S'en vont ou s'atténuent dans nos télévisions.

Là nous pouvons haïr en toute liberté!
Ah! Le politicard! A mort le pédophile!
Nous jugeons par nos yeux, nos propres vérités
Nous servent de réel et nos haines s'effilent.

Tout cela sans penser qu'à quelques anecdotes,
Qu'à quelques drames, qu'à quelques ravissements
Que la vie au hasard fait jaillir de sa hotte
Nous aurions pour ceux là de l'attendrissement.

Nous pourrions être de ceux que l'on veut voir morts,
Nous pourrions être de ceux que l'on voit mourants,
Nous pourrions être de ceux qui portent le tort,
Le lourd fardeau d’autrui, la croix du différent.

Mais nous nous obstinons au vulgaire mépris ;
Ce chemin dédaigneux aux pavés délicats,
Ou à stagner au seuil des portes de l’esprit,
Ou à l’hypocrisie ; dans le meilleur des cas.

Nous aimons nos nombrils et leurs courbes plissées
Plus que tous les enfants des peuples en détresse,
Qu’en être nous pourrions ne vient pas hérisser
D’un long frisson d’effroi nos flambeaux de paresse.

Alors juste un instant, juste pour ce poème,
Q’un peu de compassion et pour tous les humains ;
Les souffrants, les vicieux, les communs, les bohèmes,
Se mêle à votre sang, de vos pieds à vos mains.






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26 novembre 2009 4 26 /11 /novembre /2009 07:58
Quelques bonbons pour patienter, imité de Rrose Selavy de Robert Desnos.

1. Tahir2 a des papiers français, ce qui n'en fait pas un français de papier.

2. Certains vivent mal en bande... Ainsi l'écrou du lot devient le croc du loup.


3. Au Kilimandjaro la neige, traître, a peut-être facilité la traite des nègres.


4. Une offrande, sur un autel, en forêt : Le pain et le vin sont vains sous le pin.


5. D'ineffables fables innées : Mythomanie doublée de mutisme.


6. En passer du temps à entasser des paons : Ornithologie concentrationnaire.


7. Le préalable à l’instinct de survie c’est la survie de l’instinct.

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