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20 mars 2010 6 20 /03 /mars /2010 20:09
Incantations - VII :
La montagne.

Mount Vesuvius by ElenaOprea
Par ~ ElenaOprea


Vois ce buste levé depuis la nuit des temps
Vers le ciel infini, vers la lueur des astres,
Tantôt blanc, tantôt vert quand fleurit le printemps :
Voici un mont, debout : col, tête et épigastre.

Des titans ainsi faits il en est des milliers ;
Tous fièrement à l'homme affiche l'impossible
Et il veut les gravir et se voit humilié
De mourir en chemin du rêve inaccessible.

Olympe infranchissable, Everest d'avarice,
Mont Blanc avalancheux, Cordillère affamée,
Vésuve inattendu! de fulminants caprices!
Les disparus toujours vous seront réclamés.

Mais ces montagnes ont engendré le chagrin
Et la joie infinie car dans leurs escapades
Les randonneurs avaient l'univers pour écrin
Et ne possédaient rien sinon leur escalade.

Les cimes et sommets sont des femmes lointaines
Que l'on ne peut atteindre à moins d'un amour fou,
D'un désir insatiable et d'une quarantaine
Entre l'écho du vent et la chanson du loup.

Là-haut pas un seul homme, un fou las, pour se vendre ;
Juste le reposoir, la côte et le plateau,
Nul endroit où pleurer, nul arbre pour se pendre ;
Juste l'encerclement des monts et des coteaux,

Cette immense couronne au front du randonneur!
Ces cirques, ces massifs, ces canyons insondables,
Ces chutes, ces ruisseaux sont un ultime honneur
Accordé à l'humain par l'astre charitable.

Vois ce pic indécent, cette verge de pierre!
Cette érection du monde aux jours des origines
Darde au devant de l'oeil l'obstacle séculaire :
Une rose au sommet de son unique épine.

Un vent souffle, là haut, qui arrache la chair,
Il y tombe une neige épaisse et les cavernes
Abritent des tueurs qui dorment pour l'hiver
Et la nuit n'est vaincue par aucune lanterne.

Là haut le minéral fleurit sous la lumière,
L'horizon s'éparpille et n'a point de remparts
Et chaque lendemain surpasse son hier
Pour qu'haut soit le fanion de là d'où tu repars.

Vois ces monts, franchis-les et raconte à tes proches
Qu'il n'est nulle montagne aisée à parcourir,
Que nul coeur n'est plus dur que l'âme de la roche,
Que tous les infinis ne sauront les nourrir.



Mount 02 by LimKis
Par *LimKis







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2 décembre 2009 3 02 /12 /décembre /2009 06:29
Incantations - VI :
La compassion.





Le sang d'or du prophète et celui du martyr
Sont mêlés à ce flux où circule la vie
Que la veine contient pour mieux le repartir
Mais le sang à la tempe assène : orgueil, envie.

La venelle à notre oeil bat des temps de mépris
Dans le dernier métro, au milieu des racailles ;
C'est un meurtre où un viol : le fantasme entrepris,
Et nous fuyons au bruit des freins contre les rails.

Et nous croisons un sac enveloppant un homme
Qui mâchouille sa vie et ses derniers espoirs,
Certes l'hiver est là mais nous faisons tout comme
Si il était de feu et qu'il vivrait ce soir.

Notre route est ainsi et l'oeillet de bêtise
Nous fait continuer droit et sans direction
Autre que notre nez et toutes nos hantises
S'en vont ou s'atténuent dans nos télévisions.

Là nous pouvons haïr en toute liberté!
Ah! Le politicard! A mort le pédophile!
Nous jugeons par nos yeux, nos propres vérités
Nous servent de réel et nos haines s'effilent.

Tout cela sans penser qu'à quelques anecdotes,
Qu'à quelques drames, qu'à quelques ravissements
Que la vie au hasard fait jaillir de sa hotte
Nous aurions pour ceux là de l'attendrissement.

Nous pourrions être de ceux que l'on veut voir morts,
Nous pourrions être de ceux que l'on voit mourants,
Nous pourrions être de ceux qui portent le tort,
Le lourd fardeau d’autrui, la croix du différent.

Mais nous nous obstinons au vulgaire mépris ;
Ce chemin dédaigneux aux pavés délicats,
Ou à stagner au seuil des portes de l’esprit,
Ou à l’hypocrisie ; dans le meilleur des cas.

Nous aimons nos nombrils et leurs courbes plissées
Plus que tous les enfants des peuples en détresse,
Qu’en être nous pourrions ne vient pas hérisser
D’un long frisson d’effroi nos flambeaux de paresse.

Alors juste un instant, juste pour ce poème,
Q’un peu de compassion et pour tous les humains ;
Les souffrants, les vicieux, les communs, les bohèmes,
Se mêle à votre sang, de vos pieds à vos mains.






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20 novembre 2009 5 20 /11 /novembre /2009 03:58
Incantations - V :
Le mépris.




La gravité du temps se déploie sur les dos
Et le néant rappelle en son sein ses enfants :
Ces enfants à qui l'aube a légué le fardeau
Du rêve inaccompli, de l'ennui triomphant,

Ces enfants de la terre aux talons des cyclopes
Que l'on nomme personne, anonyme ou quidam,
Ces gens déterminés par un triste horoscope
Qui dans l'âtre du coeur ne portent nulle flamme.

Une quelconque idée d'un destin différent
Ne les a pas frappé du trait de l'ambition
Ni les poussa ainsi à s'extraire des rangs
Afin de n'avoir d'yeux que pour leurs illusions.

Les grèves inconnues où gît l'eau de turquoise
Dont le ciel est teinté de l'azur éternel
Ne magnétisent plus au profit de narquoises
Existences marquées de jours sempiternels.

Où sont les conquérants de lunes, d'Amériques,
De condition meilleure au prix du cou qui tombe,
Au prix de l'échafaud , de l'hallali publique
Et du regret sincère au perron de leur tombe?

Il-y-a t'il un Olympe où il n'est de drapeau
Planté auparavant ; aux siècles merveilleux?

Disent les plus curieux, puis essuient un capot
Et se couchent devant ce siècle périlleux.

Et tous ainsi oublient leurs plus grand je serai...
Qu'ils juraient aux copains sous le préau, le ciel,
Et sur tout leur honneur, sur tout ce qui est vrai ;
Qu'ils marcheraient debout sous une pluie de fiel.

Tous ainsi dès que grands s'agenouillent en pleurs,
Et croient qu'avoir cru en l'ascension de la base
N'était que du gâchis, qu'une terrible erreur,
Qu'il faut vivre sans croire et faire table rase.

Ces gens là s'arrêtant au début du péril,
Qui du nouveau départ font la vieille arrivée,
De l'entente médiocre un pur et simple idylle,
Qui ont sur leurs orteils la pupille rivée

Qu'ils ne se plaignent pas de ne s'être battus
Quand il fallait se battre et qu'il fallait souffrir!
Qu'ils ne se plaignent pas de n'avoir de vertu
Qu'enfants à certifier qu'échouer c'est mourir!


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4 novembre 2009 3 04 /11 /novembre /2009 08:11
Incantations - IV :
L'incendie.




Qu'il ne reste que cendre et sanglots vaporeux
Des avenues, des monts, des plaines, des forêts,
Des étages derniers, des recoins d'amoureux
Et des tombes jonchées de fleurs et de regrets!

Que l'ombre disparaisse à travers la flambée!
Qu'un lierre rouge, avide, acharné et véloce
Rampe sans direction pour toute l'absorber
Sans avertissement comme un soleil précoce!

Le vieux chêne et le buis ensembles dans la braise
Sont confondus comme ils ne l'ont jamais été ;
Le chêne paternel s'effondre dans son aise
Et le buis dans sa gêne a le bois effrité.

La jungle et la forêt sont pillées de l'empire
De loups et d'arbrisseaux, de baies et de dryades,
Hérité de Gaïa dans son premier soupir
Par ce lierre barbare aux rouges embrassades.

De leur legs il ne reste au sol que de la cendre ;
Des arbres éternels du charbon pailleté,
Des antres des boas, des noeuds de scolopendres :
Une poussière grise, acide, inhabitée.

Et le lierre s'étend, se répand sur les plaines,
Tour à tour, une à une enflamme leurs brindilles,
Les taureaux et les vaches aux mamelles pleines
Avec les troupeaux fuient, l'épouvante aux pupilles.

Il se répand aussi sur les dénivelés,
Sur les flancs des monts il fleurit ses grandes flammes,
S'il ne peut atteindre les cimes gelées
Il fera le contour du sommet qu'il entame.

Il serpente à travers les massifs inconnus,
Escalade en fumant le front abrupt des chaînes,
Effleure les ravins et caresse les nues
Et éteint la croissance des montagnes naines.

Des massifs il déferle, incandescent et brut,
Sur la panique inerte affichée aux visages
De la race de l'homme assistant à sa chute,
Brûlant dans ses rameaux, mourant dans ses branchages.

Les carcasses de cars rougeoient et les maisons
Sont autant de semis d'où germent des foyers.
Dans ce chaos ardent fiévreux de déraison
Une voix retentit : Appelez les pompiers!





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3 novembre 2009 2 03 /11 /novembre /2009 06:13
Incantations - III :
La mer.



En partance à jamais à bord d'un lourd rafiot,
Bonne proue brise et tranche, avance et ne romps pas,
Avance aveuglément sur l'étendue des eaux
Vers l'étoile, la fin, le lieu qu'aucun compas

Ne peut tracer en noir sur une feuille blanche.
Et le sel au visage et les lèvres gercées,
Ton vieil imperméable qui n'est plus étanche
Sur le dos, tu t'en vas. Il reste à traverser

Tout l'azur infini qui tapisse la mer.
La mer où tu louvoies et qui navigue en toi ;
Ton coeur est un écueil, une marée amère
Le submerge souvent de désir et d‘effroi.

Être seul est sur terre un rare privilège ;
Tu as erré longtemps parmi les gens honnêtes
Qui d’immeuble en gratte-ciel et de siège en siège
Se cherchent une place où relever la tête.

 Fuir un bled barbelé, la cangue familiale,
La promesse aux amis qui n'est jamais tenue,
Une routine hantée de relations triviales,
La pudeur sans égard d'un amour qu'on veut nu!

La mer! L'eau seulement! Plus le moindre visage!
Et puis le ciel, l'ondée, les nuages mouvants,
La courbe à l'horizon dépourvue de rivage,
Comme actualité les nouvelles du vent.

Un orage au lointain prépare sa conquête,
Il se charge de noir, d'effroyables lueurs,
Et d'orage il devient une proche tempête
Qui vomit des éclairs et rugit de fureur!

Matelot à la barre! Assume aussi la mer
Avec ses titans d'eau qui se lèvent, s'effondrent,
S'éloignent, se côtoient dans le bal du tonnerre,
Et dans  le tempo se mêlent à se confondre.

Assume cette mer! La mer irrésistible!
Dans les grands roulements le crachat de l'écume,
Ces titans meurtriers qui n'ont aucune cible,
Le ciel pesant et noir que les éclairs allument.

Trop tard ; la fin est là, l'étoile à tes paupières,
Tu sombres les yeux clos loin de tout littoral,
Ta proue flotte en morceaux, en fragments, en poussière,
Et tu pars à jamais pour la mer sépulcrale.






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31 octobre 2009 6 31 /10 /octobre /2009 06:08




Incantations - II :
La vieillesse.




Chêne à la bonne foi que tes rides sont belles!
Tu as germé croyant, fragile et hésitant,
Pourtant tu pries encore, immense et solennel,
Lorsque je te consulte à l’aube du printemps.

Tu as grandi, vieilli avec la sainteté.
Vieilli... Et tous les jours! Ton feuillage a noirci,
Tes branches sont courbées ; tu vieillis et l'été
Ne t'épanouit plus mais frappe sans merci.

Qu'as tu vu dans la plaine où tu vis isolé?
L'envol lié et délié de quelques tourterelles
Qui se suivaient au loin par l'amour enrôlées,
Dont une revint seule après une querelle?

Est-ce que tu as vu les faons qui s'essayaient
A leur première course, à leur première chute?
Est-ce que tu as vu les faons qui s'asseyaient
Et n‘ont pas su courir face aux crocs de la brute ?

As-tu vu le serpent engloutir le mulot,
Le serpent déchiré par les dents du furet,
Le furet surpris par l'aigle venu d'en haut,
Et l'aigle agoniser, le plumage en duvet?

Du temps de ton baptême et de tes confessions
Tu gardes ton bois pur et ta foi infaillible ;
Si l'époque te nuit sans nulle concession
Tu as sur ton branchage un oiseau invisible

Qui te garde debout. Tu lui parles parfois,
Quand tout est décadent, quand tout te déracines,
Quand tu pleures la sève accumulée en toi,
Quand la mélancolie joue sa note assassine.

Tu t'attendris encore avec un souvenir
Du temps où tu poussais ton bourgeon initial,
Du temps où, vieux fayard, tu avais su tenir
Face aux assauts nombreux des haches de métal.

Tu frémis du feuillage et quelques feuilles tombent...
Tu es tendre vieux chêne, et ton conseil est bon;
Tu ne portes sur toi que les nids des colombes
Mais le corbeau se tait au creux de ton pardon.

Cet hiver, de nouveau, emportera ces ailes
Et tu restera là, squelettique et gelé.
C’est ton destin, vieux chêne, et il est éternel :
L’arbuste neuf et vert doit aussi s’y plier.


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29 octobre 2009 4 29 /10 /octobre /2009 07:41
Incantations - I :
L'enfance.


Dans la boîte à jouets myriade d'univers.
Entassés en monceau dans un coffre bouffant
Combien d'Arche Perdue, combien de Gulliver
Prêts à jaillir encore au regard de l’enfant?

Ces yeux là qui ont vu les tout petits cercueils
En fils et noeuds de chêne, avec des clous de buis,
Où dormaient en brillant et drapés d’une feuille
Les esprits du printemps et les fées de la nuit.

Si court rêve innocent que la toute jeunesse!
Innocence du rêve, innocence sincère!
Pureté de diamant taillée dans la faiblesse
Et amour de la vie taillé dans de la pierre.

Que faut-il pour combler ce petit coeur sans fond?
Une montagne russe? Un tracé de marelle?
Les rayons du soleil pour se chauffer le front
Ou un sommeil léger à l’ombre d’une ombrelle?

Un crâne comme une île immense sur la mer
Qui n’apparaîtrait que masqué par de la brume?
Un trésor enterré sous une croix de fer
Par un pirate mort de soif et d’amertume?

A l’internat tel un exilé sans famille ;
On voit de l’avenue sur un mur de volets
Une fenêtre ouverte, une ampoule qui brille :
Il dessine le monde au coin de son carnet.

Il dessine et il ne dormira pas une heure,
Il dessine avant que ses larmes ne s’enfuient,
Qu’il ne s’avoue vaincu et seul face à la peur,
Il dessine tout près de la lampe qui luit.

Peindre les monuments en dépassant les bords,
Et la bouche d’adulte avec des dents de loup
Et la tête du diable au sommet d’un ressort
Et de vives couleurs un hôpital de fous

Et des animaux neufs sur un bulletin gris
Et des nuées d’oiseaux sur le front des remparts
Et, à la craie, au sol, un peuple qui sourit
Et sur le papier blanc la moisson du regard.

L’enfance se dessine avec un faux miroir
Au tain plein de folie et de rêves vainqueurs
Fondu pour adoucir le monde adulte et noir
Aux plus candides yeux, aux plus simples des coeurs.



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