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31 mars 2010 3 31 /03 /mars /2010 04:24

L'hippocampe et le poisson :

 

naruto_and_sasuke_by_sharingandevil.jpg

Par ~ sharingandevil


C'était dans une mer qu'un astre contenait
Où le corail brillant sous le jour qui renaît
Et sous le bleu nocturne éclairait des tribus
D'êtres marins divers ; quintessence et rebut.
Ils étaient deux amis dans le pays de vase
Qui tapissait le fond et structurait la base ;
Le peuple sans destin, sans rêves à cueillir :
Ce peuple qui n'avait rien pour s'enorgueillir.
L'un était un poisson et l'autre un hippocampe,
Tous deux étaient de l'ombre et les feux de la rampe
Ne les fascinait pas, pas plus que le pouvoir ;
Ils étaient juste amis, voulaient juste se voir.
Ils grandirent donc au bas de la grande échelle
Sans souffrir car le temps, ce lâche et ce rebelle,
Passait pour eux ainsi qu'un long jeu où la règle
Était de ne mourir ni dans le bec d'un aigle
Ni dans les pattes d'un crustacé prédateur
Ni séparés de l'autre ; ainsi passaient les heures.
Et lorsque l'âge fou où toute autorité
N'est là qu'en tyran au règne d'iniquité
Ils se firent plus forts et voulurent partir
De leurs fond dégouttant où les os de martyrs
Et les arrêtes des prolétaires marins
Jonchaient de toutes parts leur sentier quotidien ;
Ils voulurent aller ailleurs sans savoir où
Mais ils ne firent rien tout en pensant à tout.
On leur donna l'étude et la voie érudite :
Ils furent buissonniers et quittèrent bien vite
Le pupitre et la chaise et les devoirs communs.
On leur donna l'emploi et le métier des mains :
Ils recevaient par mois une petite somme
Qu'ils jugèrent indigne, inconvenable, et comme
Ils refusèrent tout on ne leur donna rien.
Mais ils s'avaient, eux, ils avaient toujours ce lien.
Ils ne partirent pas l'âge ignoble passé,
Ils étaient toujours là et les jours ressassés
Les usèrent très tôt, l'ennui et la misère
Pointaient leurs deux couteaux face à leurs yeux ouverts.
L'hippocampe pourtant réussit à quitter
Son cercueil de naissance et put donc s'acquitter
Des peines de son sort le temps d'un long séjour
Et en lui la passion échafauda sa tour
Car il vît autre chose, en savait l'existence,
Il rentra en gardant son esprit en partance.
Et tous deux ont repris leur routine et ensemble
Ils allaient aux pays où partout se ressemble.
Puis surgit une attaque inattendue et brève
De requins qui venaient des plages et des grèves,
Du pays de turquoise auprès de la surface,
Ils avaient l'oeil cruel et cent dents à la face,
La bouche écarquillée et du sang plein la langue
Et leur sillon rougit laissait le peuple exsangue.
Calamité! C'était la fin de tout une ère!
Le miséreux pays était touché au nerf!
La règle rigoureuse et la protection
Étaient pulvérisées, vint la dépression.
Et les deux amis, pris dans son noir engrenage,
Avaient un choix à faire afin que le carnage
Soit ou leur compagnon ou leur pire adversaire ;
Ils étaient au tournant des vingt anniversaires.
Le poisson ne trouva qu'un maigre revenu
Dans les allocations tous les mois bienvenues.
L'hippocampe par le hasard eut un travail
Et, bien avant l'attaque, avait fait la trouvaille
De la littérature et du ciel à portée
Du premier sot venu et put donc supporter
Son époque sordide où le bien matériel
Était propriétaire et effaçait le ciel.
L'un donc avançait sans flamme dans la poitrine
Et sans argent sur lui au milieu des vitrines.
Encore à l'anémone où passa son enfance ;
Il avançait sans but, ni direction, ni sens.
L'autre avançait avec un feu toujours naissant
Qui lui donnait raison sur un monde glaçant,
Il avait su quitter le foyer familial
Et se retrouva seul avec l'immémorial
Besoin de transcendance et d'immortalité ;
De comprendre le monde en intégralité
Qui était né en lui loin du pauvre poisson.
Le poisson, dans son coin, mordu à l'hameçon
De la haine facile et, dans sa basse-fosse,
Il concoctait, amer, l'esprit des idées fausses :
Il n'est de solution, tout est perdu d'avance,
L'on meurt au même endroit qui vît notre naissance,
La foi n'existe pas, l'engagement est nul,
Attendons de mourir et laissons les calculs
De nos vies à l'élite et soyons ignorants,
Faibles et au venin craché à tous les vents.

L'hippocampe en lisant concoctait dans son coin
L'esprit des vraies idées, du bonheur et du soin :
Cela fait deux mille ans qu'est posé la question
D'une meilleure vie et mille solutions
Ont été inventées; ce qu'il faut c'est élire
Le bon gouvernement et bien y réfléchir,
L'on meurt là ou l'on veut, la volonté existe
Et l'histoire a montré qu'un être qui résiste
Peut plier tout un monde avec ses murs dressés,
La foi est nécessaire et l'être délaissé
Y trouve un juste abri si il n'en fait pas trop,
Il faut être engagé et exhiber les crocs
Du peuple opprimé, il faut vivre activement
Et devenir l'élite, il faut à tout moment
Vouloir en savoir plus ; le sot se brise mieux,
Le sot ne sait rien et fait son état des lieux
A partir de sa haine et de sa pauvreté,
Le sot est bien utile ; il ne va pas voté
Donc l'intelligent peut lui mettre par derrière
En parlant à sa place, en le laissant se taire.

Voilà les deux esprits qu'ils avaient concocté
Mais pourtant ils étaient toujours l'un à côté
De l'autre et discutaient tels deux frères de sang.
Mais le temps éloigna l'hippocampe en passant
Et le mit dans l'étude et la littérature
Quand le poisson pensait complots et dictatures
Avec le même vide et la même amertume,
Avec le même noir qui jamais ne s'allume
Que portait l'hippocampe avant de s'enivrer
De l'art de distinguer le bon grain de l'ivraie
Idéologique. Or lui n'avait pas d'idées
Pour s'inventer un ciel de nuages vidé.

 

Cela les sépara, c'était déjà écrit.

 

Ils se virent un jour au hasard d'un courant
Le poisson s'exprima : "-C'est toi? Es-tu mourant?
Je ne t'ai pas revu depuis des décennies ;
On dit dans la rumeur que tu blâmes, renies
Les idées que l'on a, nous qui soufrons encore
De la crise passée ; que tu nous donnes tort!
Mais moi je vais te dire! Insipide animal!
On ne m'a rien donné, je n'ai vu que le mal
De ce sombre système et j'ai vu le dédain
De l'orgueilleuse élite aux grands projets mondains!
Je sais qu'ils volent aux pauvres, qu'ils violent femme
Et enfants! Je le sais! Je les hais..." "-Car leurs âmes
Brillent mieux que la tienne." Acheva l'hippocampe
Car un sang colérique arrivait à sa tempe,
Il reprit : "-Mon ami, mon frère  de toujours,
Vois-tu ta pauvre face et le monde alentour?
Certes l'ignominie est placée sur le trône,
Certes c'est la monnaie que l'on veut, que l'on prône!
Certes plusieurs pays n'ont rien, d'autres ont tout,
Certes nous naviguons dans un navire fou!
Certes l'on est volé malgré notre misère,
Certes chaque être ici peut être un adversaire!
Certes notre sueur est peu récompensée
Mais dois-tu, cher poisson, t'abstenir de penser?

 

Oui, notre peu d'espoir nous a bien été pris!

 

Mon constat est égal au tien, même plus dur
Car j'y joins l'ignorance et le peu de lecture.
Je vis la même vie que toi, que croyais-tu?
Le monde aussi me blesse et l'époque me tue.
Mais j'ai appris, pendant que tu flattais ta peine,
L'horlogerie du mot, les ressorts de la haine,
Les rouages mentaux, le sable du mystère,
La profonde tuerie qui précède la guerre,
L'art des révolutions et ce qui en découle,
Où est l'extrémité d'un fil qui se déroule,
Qu'il n'est aucun destin sans son échappatoire,
Qu'il n'est aucun enfer avant le purgatoire,
Le secret du bonheur, la recette du mal,
Le poème à Florence et le dormeur du val,
La mécanique ancienne et qui fonctionne encore
Appelée politique et le commun accord
Nommé démocratie, le droit et le devoir,
L'intérêt national, l'équilibre des forces,
Qu'on atteint l'objectif pour lequel on s'efforce,
Qu'il faut savoir combattre avec les bonnes armes,
Qu'il faut utiliser la force de ses larmes,
Que tout est magnifique à qui sait la beauté
Et où elle se cache, elle ; tant convoitée!

 

Et toi, mon cher poisson, dis-moi : Qu'as-tu appris?"

 

 


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