Adieux
Que j’orne mes soupirs de chapelets de lunes
Egrainés chaque soir d’une main par le vent
Impur, taché du son d’un fou rire innocent
Et d’un accent de fleurs d’oranger sur les dunes ;
Que je foire tout, champs de ruines, multitude
Ravagée au matin magique et grand jailli
Du profond désespoir… chantonne et je palis
Pour enfin disparaître, si je ne t’élude…
Que j’apostrophe un ciel fichu d’évanescence
Pour toi, que je l’incline à tes désirs jaloux :
Toute étoile ou soleil t’adore à deux genoux
Si moi je le décide, ordre dont j’ai la science ;
Que je fuis ! Par la mer vide de mon enfance
Afin d’y déterrer ce cœur enseveli
Sous un monceau de corps de femmes et de lys,
Le retrouver battant, puis que tout recommence !
Ton nom pleut sur la lande où s’agite et s’amuse
Elia, l’oiseau rare à l’envol foudroyé
Vêtu de cent couleurs, le prodige choyé
Par les vœux du poète et les bras de la muse.
Ton nom dévastateur achemine l’ivresse
D’insolubles passions, de wagons rattrapés
Pour d’ultimes adieux, qui s’éloignent, happés
Par l’horizon grouillant de semblabes promesses…
Ton nom parfois s’invite au festin de mes rêves
Et je lui dis : « Mange mon âme, c’est offert !
Prends, mais ne me suis pas… ma route est pour l’enfer
D’où je viens à pas lent : où je suis né je crève. »
Ton nom dont chaque lettre est un graal écarlate
Fluidifie et borne un peuple de torrents,
Ici des fleurs sans noms piégées par les courants,
Là ton reflet d’avant qui stagne dans l’eau plate.
Je n’écris plus ce nom sans qu’une violence
M’étreigne et me dévore et que du sang des mots
N’en naissent d’autres, noirs, d’infâmes animaux
Que je dresse à t’aimer du fond de leur démence.
Je n’écris plus ce nom sans l’étrange sourire
De l’homme satisfait d’être en mille morceaux,
D’être à terre, vaincu, frère des bons pourceaux
Que l’aube sur la fange épanouie admire.
Je t’offre, Enzo, quelque ange en place sur l’épaule,
Qui te protégera, fidèle et averti
Que le monde est en guerre et s’aime perverti,
Que dans le drame humain tu trouveras ton rôle.
Nolwenn c’est là que tout l’univers nous sépare,
C’est à ces derniers mots que nos doubles chemins
Vont aux lieux opposés, dernier signe de mains…
Nul pleur n’a corrompu la grâce des mouchoirs…