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3 novembre 2009 2 03 /11 /novembre /2009 06:13
Incantations - III :
La mer.



En partance à jamais à bord d'un lourd rafiot,
Bonne proue brise et tranche, avance et ne romps pas,
Avance aveuglément sur l'étendue des eaux
Vers l'étoile, la fin, le lieu qu'aucun compas

Ne peut tracer en noir sur une feuille blanche.
Et le sel au visage et les lèvres gercées,
Ton vieil imperméable qui n'est plus étanche
Sur le dos, tu t'en vas. Il reste à traverser

Tout l'azur infini qui tapisse la mer.
La mer où tu louvoies et qui navigue en toi ;
Ton coeur est un écueil, une marée amère
Le submerge souvent de désir et d‘effroi.

Être seul est sur terre un rare privilège ;
Tu as erré longtemps parmi les gens honnêtes
Qui d’immeuble en gratte-ciel et de siège en siège
Se cherchent une place où relever la tête.

 Fuir un bled barbelé, la cangue familiale,
La promesse aux amis qui n'est jamais tenue,
Une routine hantée de relations triviales,
La pudeur sans égard d'un amour qu'on veut nu!

La mer! L'eau seulement! Plus le moindre visage!
Et puis le ciel, l'ondée, les nuages mouvants,
La courbe à l'horizon dépourvue de rivage,
Comme actualité les nouvelles du vent.

Un orage au lointain prépare sa conquête,
Il se charge de noir, d'effroyables lueurs,
Et d'orage il devient une proche tempête
Qui vomit des éclairs et rugit de fureur!

Matelot à la barre! Assume aussi la mer
Avec ses titans d'eau qui se lèvent, s'effondrent,
S'éloignent, se côtoient dans le bal du tonnerre,
Et dans  le tempo se mêlent à se confondre.

Assume cette mer! La mer irrésistible!
Dans les grands roulements le crachat de l'écume,
Ces titans meurtriers qui n'ont aucune cible,
Le ciel pesant et noir que les éclairs allument.

Trop tard ; la fin est là, l'étoile à tes paupières,
Tu sombres les yeux clos loin de tout littoral,
Ta proue flotte en morceaux, en fragments, en poussière,
Et tu pars à jamais pour la mer sépulcrale.






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