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31 octobre 2009 6 31 /10 /octobre /2009 06:08




Incantations - II :
La vieillesse.




Chêne à la bonne foi que tes rides sont belles!
Tu as germé croyant, fragile et hésitant,
Pourtant tu pries encore, immense et solennel,
Lorsque je te consulte à l’aube du printemps.

Tu as grandi, vieilli avec la sainteté.
Vieilli... Et tous les jours! Ton feuillage a noirci,
Tes branches sont courbées ; tu vieillis et l'été
Ne t'épanouit plus mais frappe sans merci.

Qu'as tu vu dans la plaine où tu vis isolé?
L'envol lié et délié de quelques tourterelles
Qui se suivaient au loin par l'amour enrôlées,
Dont une revint seule après une querelle?

Est-ce que tu as vu les faons qui s'essayaient
A leur première course, à leur première chute?
Est-ce que tu as vu les faons qui s'asseyaient
Et n‘ont pas su courir face aux crocs de la brute ?

As-tu vu le serpent engloutir le mulot,
Le serpent déchiré par les dents du furet,
Le furet surpris par l'aigle venu d'en haut,
Et l'aigle agoniser, le plumage en duvet?

Du temps de ton baptême et de tes confessions
Tu gardes ton bois pur et ta foi infaillible ;
Si l'époque te nuit sans nulle concession
Tu as sur ton branchage un oiseau invisible

Qui te garde debout. Tu lui parles parfois,
Quand tout est décadent, quand tout te déracines,
Quand tu pleures la sève accumulée en toi,
Quand la mélancolie joue sa note assassine.

Tu t'attendris encore avec un souvenir
Du temps où tu poussais ton bourgeon initial,
Du temps où, vieux fayard, tu avais su tenir
Face aux assauts nombreux des haches de métal.

Tu frémis du feuillage et quelques feuilles tombent...
Tu es tendre vieux chêne, et ton conseil est bon;
Tu ne portes sur toi que les nids des colombes
Mais le corbeau se tait au creux de ton pardon.

Cet hiver, de nouveau, emportera ces ailes
Et tu restera là, squelettique et gelé.
C’est ton destin, vieux chêne, et il est éternel :
L’arbuste neuf et vert doit aussi s’y plier.


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