Et puis, qu'avez-vous vu ?
Première version.
Sitôt que frémissaient les hautes termitières
Au Sahel inondé de sable et de lueur
Nous reprenions l'enfant bercé dans la rumeur
De l'écume en furie où les flots réitèrent
L'immonde roulement des ondes falsifiées !
Sitôt que l'hydre lent dévora le parfum
Des nanas en sommeil dans des draps de carmin,
Au regard d'enfant mort, aux paumes scarifiées,
Nous avons rattaché cet archipel ensemble
Avec des liens d'osier fatidique et le chant
Des anges débusqués dans leur repère ardent
Ne remua jamais nos veines, il me semble...
Il me semble que l'homme a trop joué sa farce
Ou mangé le bonbon séducteur du néant,
Il me semble que non : que ses pas de géant
Ne se sont pas mêlés dans la grandeur éparse
De la course de monde ! On vit des nébuleuses
Atrophiées mendiant l'ornement d'un regard,
Qui fuyaient, névrosées, les coups de Trafalgar
D'un réverbère hautain aux lampes onéreuses !
On vit gesticuler tout un bétail candide
Avec des bêlements d'êtres infortunés
Et des yeux grands ouverts de nouveaux torturés
Qui buvait au ruisseau de curare limpide...
On ne vit pas, divers, le chemin de l'empire
Intérieur semé de mensonges parfaits,
Mais nous avons commis l'essence des forfaits
Dégueulasses, fatals, dans un éclat de rire !
On vit, puisqu'on l'a bu, le lait pur extatique
De l'outrance sublime à l'attrait enfantin
Au goût désespéré de puissant fond de teint
Aux joues des fiancées portant un nom magique !
On vit cela germer sur nos lèvres, nos bouches
Obcordées ravalaient les glaires d'un remords,
Quand nous avalions le cocher et le mors
Pour déféquer tout ça dans l'orchestre des mouches !
Sitôt tout cela vu que mordent nos pupilles ?
Des glaçons, du whisky vieux de quatre-cent ans
Au fond d'un fauteuil gris dans un calme d'encens
Avec des souvenirs fins comme des brindilles
Turgescentes au vent sacré de la mémoire
Qui nous rappelle alors que l'on voyait, gamins,
Les fées des contes bleus circuler dans nos mains
Et, pouvant les toucher, nous ne pouvions y croire !
Nous pouvions, il me semble, en vrai dans les délires
Marteler le front plat des gotha prosternés
Qui pointaient d'un doigt d'or, les gones condamnés
Par le sort, les violents, les valets et les sbires ;
Et puis les exilés ! Et leur peine fut douce
A nos cœurs davantage attirés vers le ciel !
Vers la mixture où gît le mirage et le fiel
Indistincts dans la nue. On vit mourir de frousse
Un peu de l'innocence : une fille jolie
Nous épargna l'amour en échange d'un pleur
Puis nous claquions soliste en étant né valseur,
Dans l'ombre d'un F2, tout près de la folie.
On vit peu, je l'avoue, autant que nos yeux purent
Voir mais nous avons vu, frères, nous avons vu
De belles illusions que notre songe accru
Désirait. On en vit : d'énormes fleurs impures !
Je ne garantis pas que notre œil était nu.
Après publication, ce 24 janvier, que lis-je au hasard d'un recueil d'Anatole France ? Ceci :
"Car la reine d'Écosse, aux lèvres de carmin,"
Donc je change.
Que ceux qui avaient remarqué ne me traitent pas de voleur.