De la réussite :
Suite indirecte ( les vers de transition sont coupés) de De la démocratie et de la transcendance.
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Comme nous n'avons pas de villes à quitter
En faisant nos adieux d'un bras réconfortant
Pour rejoindre le luxe et la civilité
Dans lieu capital et le seul important,
Comme nous n'avons pas de villes d'où partir,
En faisant nos adieux dans les bras de nos mères
Pour rejoindre le lieu où tout est à bâtir
Et où tout est bâti et où tout s'agglomère,
Comme nous n'avons pas de ville où aboutir
Pour reprendre au destin ce qu'il doit à nos pères,
Ce qu'il leur a volé sans le réinvestir
Pour de plus miséreux qui jamais ne prospèrent,
Comme nous n'avons pas de villes d'où partir,
En faisant nos adieux, les pleurs les plus amers
Tenus sous la paupière afin de garantir
L'honneur du fils qui part à l'assaut des chimères,
Comme nous n'avons pas de ville où revêtir
Une nouvelle vie et de nouveaux repères ;
Là où s'améliorer ou se reconvertir,
Là où mettre une forme au voeu que l'on espère,
Comme nous n'avons pas de villes d'où partir
En faisant nos adieux comme, au bord de la mer,
Le marin embrasse au front l'épouse martyre
En jurant sur le ciel un voyage éphémère,
Comme nous n'avons pas de ville où démentir
Notre tendance à être infiniment compères
De l'échec cuisant et à tout anéantir
Quand la chance offre et que la fortune obtempère,
Comme nous n'avons pas de villes d'où partir
En faisant nos adieux à toutes les commères
Qui nous voyaient enfants et aimaient compatir
A l'avenir scellé de jeunes si sommaires,
Comme nous n'avons pas de ville où investir
Dans une renommée de champion et d'expert
Que l'on se bâtirait sans trop se pervertir
Entre lui qui nous flatte et lui qui vitupère,
Comme nous n'avons pas de villes d'où partir
En faisant nos adieux au doyen et au maire
Attentifs aux leurs et là pour nous impartir
Du renom national de notre maison mère,
Comme nous n'avons pas de ville où ressentir
Un sentiment de feu que l'inconnu tempère
Difficilement et où il faut consentir
A briller pour toujours sans commettre d'impair,
Comme nous n'avons pas de villes d'où partir
En faisant nos adieux et où l'on énumère
Ceux qui furent pour nous l'épaule où se blottir
Et, contre nos deux joues : la caresse palmaire,
Comme nous n'avons pas de ville où divertir
Nos âmes ennuyées et qui nous désespèrent ;
Comme nous n'avons pas une vie pour sertir
D'une grande fierté les gens de nos repaires,
Comme nous n'avons pas un grain de dignité
Ni un grain de noblesse infaillible et constant
Ni un sourire sur nos faces dépitées
Ni une renommée qui ne tienne longtemps,
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