Clamor roseus.
Puisses-tu connaître la joie...
Par LunaNYXstock
I : Vivre.
J'ouvre. Le temps coula sur le champ des vertèbres,
Demoiselle d'ici qui vécus sans bonheur,
Pour t'incliner en vain comme penche une fleur
Qui, perdue en secret, fane dans les ténèbres.
Dis-moi, rose de suif, quel astre te berça
Dans ces premières nuits de clameurs et d'enfance
Par l'ogive blafarde à travers le silence
Et le verre allumé des vitres qu'il perça ?
Femme unique à mes yeux qu'ensevelit la guigne,
Pour entrevoir l'exil du coeur je n'ai que toi :
Mes mains ne s'amarrant qu'aux rives de tes doigts,
Mes lèvres ne pouvant qu'en embrasser les lignes.
Je ne recueillerai ni l'orgueil de mon front
Ni le souffre compact qui brûle ma poitrine
Au sein d'aucune femme, agressive ou câline,
Qui ne porte tes traits, qui ne porte ton nom.
Las des sentiments chus dans tout un désert ivre !
Je t'ai trop attendu pour ne pas t'enlacer ;
Lié par le collet des jours entrelacés,
Sans toi j'aurais perdu la marotte de vivre.
Vivre ! Farce bouffonne au triste scénario
Qui se donne la fin pour seul coup de théâtre ;
Combattre pour s'aimer, ou s'aimer pour combattre...
Car nul n'a résolu l'atroce imbroglio.
Mais le moment d'aimer est venu, Stéphanie,
D'attendre ? D'espérer ? Ce n'est plus le moment,
Tu seras, à mes bras comme à mon sentiment,
L'Aphrodite Pandême occultant l'Ouranie.
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II : Parler.
Dis-moi, rose, dis-moi de ta bouche enfantine
Un peu de la douceur qui dort dans ce regard
Sous la chape ciliée, opaline de fard,
Sous l'océan amer des pleurs que je butine.
Dis ! Stéphanie, admet l'impudence d'un mot
Lové parmi ta langue et ta lèvre flanquée
D'un diamant. Dis le nom de la planquée
Entre le rire bref et le coup de plumeau !
Je te l'arracherai par la force des lèvres !
Avec ardeur ainsi qu'un viol respectueux,
Et tu tressailliras, trésor voluptueux
Qui m'illumine, avouant l'arcane de tes fièvres.
III : Dorloter.
Caresser tes cheveux noirs tels les nuits d'hiver ;
Chagrins, les enrouler autour de ma phalange,
Y découvrir alors l'arôme qui mélange
Tout l'orchestre des fleurs au soupir de la mer.
Comme à ta gorge ancrer un suçon écarlate !
Ah ! pouvoir embrasser totalement ta peau !
Il n'est aucun plaisir, de la crèche au tombeau,
Plus grand que d'effleurer d'un doigt ton omoplate...
Puis, enfin consolée, assume ton sommeil
Contre moi, sous les draps de soie et de lumière.
Presse-toi d'exposer l'ombre de ta paupière
A ton jeune amoureux, aux arches du soleil !
IV : Admettre.
Au gouffre ! Inadmissible est l'infini de sable
Égrainé sans raison par tous les sabliers !
Inadmissible le tas de mots oubliés
Pour ne pas dire, au fond, ce dont on est capable.
Tu l'es : inadmissible. Admettre ta beauté
C'est sombrer, c'est mourir - enfin quitter le monde !
Toi qui sais être belle autant que furibonde,
Et belle quand ta chair orne un cœur attristé,
Tu résumes l'amour dans ton humeur éparse
Qui rit et pleure ensemble... Attend ! Steph', mes aveux
Ne sont pas au complet. Je t'aime ! Tu ne veux
Pas d'un roi ? d'un valet ? d'un frère ? d'un comparse ?
V : Rêver.
D'un allié ? J'aspire en rêve à ton parfum,
Et j'ai cueilli pour toi mille jasmins lunaires...
Aimer : ne voir que toi soit dans les luminaires
Soit dans chaque miroir dont s'éclipse le tain.
Par demonmiss27
VI : Partir.
Nous, seuls, aimants, chargés de remords et de songes,
Nous reprendrons la route atroce du bonheur,
Le pied maniant l'aile et toute notre hauteur
Ecrasera le sol en pilant les oronges.
Nous nous esclafferons d'un rire viscéral
Car c'est bon de s'aimer ! Quelle béatitude
Nous attend au sommet voilé de l'altitude
Dans un boudoir de sucre et de miel idéal ?
Quelle lune accueillante affollera nos rires
Lorsque scintillera nos douloureux iris,
Que je serai repu cent fois d'un clitoris
Exquisément le tien, jardin de mes délires.
Nous serons, si tu veux frémir et frissonner,
Les seuls amants heureux dans le carcan des nues
Qui n'a pas épargné les gorges maintenues
Immobiles ; les seuls à n'être prisonniers
Que de l'amour sauveur. Si tu viens, toi l'unique
Dont le visage me tourmente au fond du lit,
Avec moi, pour toujours, sur la jonque à demi
Penchant vers l'illusion, battre l'écume inique.
Fracture la serrure à l'angle mort du chien
Marital ! Aujourd'hui la chaîne se termine :
Disloquée ! Entre nous : ton corps, ton nom, ta mine ;
C'est l'asile de chair qui ne peut être sien !
C'est nous dorénavant, ce n'est pas lui ! Regarde
Les aurores semer la rosée et le vent
Sur le flanc des monts ; vois l'or fluide s'élevant
Vers la voûte, éclairant la multitude hagarde !
Et vois pourquoi je t'aime ! Et comme j'ai raison !
Allez, délaisse tout ; je t'insuffle la flamme
Que je brûle pour toi. Car tu serais ma femme
Que je t'aurais ouvert le plus vaste horizon.
VII : Regretter
Mais tu n'es pas, j'en pleure, à mon côté, sublime,
La fiancée... Aride emmêlement du sort !
Nous sommes séparés de la graine à la mort
Et rien ne nous rejoint de la plaine à la cime.
Quel ouvrier du ciel ébaucha le fossé
Entre les chemins où nos rêves disparurent ?
A cet effacement, dis, combien de murmures
Ont survécu, portant : « Car tu n'as pas osé »?
Nos pas d'autrefois ont égaré la conquête
Fatale du néant qu'on nomme l'abandon
Au bord de tout, quel âge a rompu notre don
En nous fouettant l'échine et nous courbant la tête ?
Quelle horreur sanctifiée assigna notre rang
A de telles douleurs, à de telles bassesses
Qu'en mâchant le refrain vide des politesses
Nous accomplissons, là, sans ailleurs, en mourant ?
C'est se dire, au matin, qu'on manque à notre place
Parmi les gens heureux et libres d'être égaux
Pour aller vers l'ennui qu'affectionnent les veaux,
Mirer comment le temps repasse quand il passe.
Nous sommes affaiblis mais plus forts qu'au départ,
Stéphanie, et t'aimer c'est mon immense force,
Le seul fait de ta vie a déclenché l'amorce
Dont l'aboutissement brisera le retard !
VIII : Conclure.
Voici comment je t'aime ; ainsi que tous les livres
Qui nous parlent d'amour, ainsi que les chansons
Aux rimes saccadées et rares dont les sons
Conjuguent au divin l'animal et les cuivres.
Je t'aime plus, bien plus ! J'ai pour toi tous les mots,
Le vocable restreint ce n'est pas mon obstacle ;
Je ferme les rideaux car l'ultime spectacle
C'est le fond de tes yeux. Je ferme les rideaux.
Par gothicbohemianstock