A un bordélique.
Les jours oisifs ont fait de cette chambre close
Un vrai tableau de Bosch : Le jugement dernier
Ou Le jardin... fouillis que le hasard dispose
Des cimes du bureau jusque sous le sommier.
Sur les mouchoirs souillés des Babel de couverts
Proches de tutoyer, tapies entre les toiles,
Les araignées mangeant des mouches aux yeux verts
S'éprennent du plafond, à défaut des étoiles...
Du verre cassé, vert... de bière -sûrement-
Écharperait le pied s'il avait des visites.
Lui l'esquive d'un pas bref, instinctivement.
L'air est rempli d'odeurs moisies, du vol des mites.
Plus un tronçon de sol où le blanc carrelage
Ne soit visible à l'œil nu sous les vêtements
Qui le constellent comme, en un beau long métrage,
Les linges projetés évoquent des amants.
La cuisine a l'allure étrange des endroits
Où quelques bactéries fomentent une espèce.
Il y coule une eau noire, un fond de petits pois
Meurt dans sa casserole et le temps le dépèce.
On y marche au son des bouteilles en plastique
Et des pages froissées, vierges ou du journal
Le plus vieux possible, un monceau fantastique
De choses inconnues prend un angle total.
Des gnomes ont déjà dû bâtir dans ce coin
Après l'humble hameau la grande citadelle,
Sans doute guerroient-ils... Sont-ils allés plus loin
Que la commode ? Ont-ils découvert la poubelle ?
Nous les imaginons facilement : quand l'aube
Souffle sur le sommeil ils rentrent au bercail,
Ayant chassé du cloporte et cueilli la daube
Qui fleurit parmi l'ombre et ressemble au corail.
Et voici la poussière analogue aux tapis
De mousse sur un arbre, et ce jusqu'aux racines,
Qui teint d'un gris morbide et pâle ce taudis
Pourtant neuf au départ : photo de magazines.
Le bordel, le bordel ! Il faut ranger sa chambre
Avant de retrouver le jour originel
Éparpillé, réduit, comme en un orbe d'ambre,
Chez soi ; c'est trop pour l'homme : un grand et beau bordel !
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