Le printemps des justes.
Je suis la Guerre civile. Et j’en ai marre de voir ces andouilles se regarder en vis-à-vis sur deux lignes, comme s’il s’agissait de leurs sottes guerres nationales. Je ne suis pas la guerre des fourrés et des champs. Je suis la guerre du forum farouche, la guerre des prisons et des rues, celle du voisin contre le voisin, celle du rival contre le rival, celle de l’ami contre l’ami. Je suis la Guerre civile, je suis la bonne guerre, celle où l’on sait pourquoi l’on tue et qui l’on tue : le loup dévore l’agneau, mais il ne le hait pas ; tandis que le loup hait le loup. Je régénère et je retrempe un peuple ; il y a des peuples qui ont disparu dans une guerre nationale ; il n’y en a pas qui aient disparu dans une guerre civile. Je réveille les plus démunis des hommes de leur vie hébétée et moutonnière ; leur pensée endormie se réveille sur un point, ensuite se réveille sur tous les autres, comme un feu qui avance. Je suis le feu qui avance et qui brûle, et qui éclaire en brûlant. Je suis la Guerre civile. Je suis la bonne guerre.
Henry de Montherlant.
La rage du peuple de Keny Arkana :
I
Les derniers mots du titan
Quand, enfin, le mutin surplomba l'écritoire
Le Prométhée ancien au poitrail éventré
Et brûlant lui donna le fin mot de l'Histoire :
« L'homme retournera par où l'homme est entré ;
Au divin de son nom, de sa chair reconstruite
Et du feu de Solyme à jamais perpétré.
Ce jour multiplié sans genèse ni suite
Sera le lendemain d'un malheur sans pareil ;
Toujours. On pleurera de cette peine instruite.
Pourtant lorsque l'or ne vaudra plus le soleil
Ils pousseront des yeux figés vers l'empyrée
Et les rêveurs ne trouveront plus le sommeil.
Lorsque le fouet verra sa tutelle ignorée
Par la chair bariolée de sueur et de rougeurs
Pourtant étrangement belle et revigorée
Ils pousseront des mains violentes aux rêveurs.
Horreur des Ben-Arès qui reflètent les flammes
Furieuses du silence et des sourdes ferveurs !
Des seigneurs qui jouent à la guerre comme aux dames
Il en est, celle-là c'est un autre combat :
C'est celle des enfants, des faibles et des femmes.
Pourtant, frère d'un jour et, pour un jour, soldat,
Des Achille du peuple entameront la guerre,
Plus vaillants qu'un héros dont le cœur se bomba
De rage, sans tuer la déesse mystère...
Sans tuer l'allié souffrant d'un mal idem
Mais le bras assassin des mânes délétères.
Et Ibliss et l'argent trônant sur un tandem
Ne mourront qu'acculés par la force des armes.
Pourtant ils ont, à deux, les charmes d'un harem.
Pourtant quelques uns vont succomber à ces charmes.
« Quoi ! Faudrait-il tuer l'ami du jour d'avant ?
Être libre c'est être entravé par les larmes ? »
« Tu sauras... Tu sauras, mais saches que le vent
N'attendra pas l'oiseau pour heurter le mirage
Des paradis perdus d'un monde s'écrivant
Sur le Grand Livre dont tu portes une page. »
II
All shall fade
Le kalaschnikov fou d'expectorations noires
Dans l'azur bombardé fait scintiller le plomb !
Les murs lépreux ouvrent des yeux fumants et ronds
Sur pâleur des corps en tas sur le trottoir...
Puis, fauve grondement, de sinistres avions
Annoncent la volée à venir : dans le soir.
On a si peu sommeil au cœur des explosions...
Et Pyrrhus a connu de plus belles victoires.
Les hommes les plus forts quittent pour le billot
Leur famille, en leur nom s'étreindra la détente.
On s'informe, l'on veut entendre à la radio
Une gloire voisine, un renfort, une entente
D'aide international... mais toute attente est vaine.
Nous sommes en enfer : rebelles au Yemen.
III
Arabia
Libres et pour toujours, c'est un serment de l'âme !
Voici que nous avons fait tomber les géants
Un beau jour de printemps que la révolte enflamme
Pour ouvrir le seuil de notre avenir béant.
Et qu'est-ce-que la vie aux tréfonds des prisons ?
Nous demandons justice, notre Iphigénie
Sacrifiée sur l'autel des mille trahisons
Royales ! Nous voulons cueillir notre génie
Et le premier jasmin sans chaines aux poignets !
Des pansements de l'âme aux âmes qui saignaient ;
C'est là notre victoire au front, au carrefour.
La liberté formelle a trop lié de bras,
Déchiqueté d'espoirs et trop rougi de draps ;
C'est un serment de l'âme et un serment d'amour.
LIBERTE AIMEE
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