Enfer et damnation.
Fable immoralement morale.
(Sur la lande, éloigné des lieux de pendaisons
Inutiles, il va vers où le vent le porte,
Sous le scintillement céleste des tisons,
Aux avant-bras le corps de la fillette morte.
Elle n'a pas lutté contre les autres, claire
Étoile du matin belle de dénuement
Dont, bleue et d'émail pur, la prunelle s'éclaire
Un peu plus à Noël disparu, tendrement...)
I
Ceux qui pleuraient, hier, sur leur sort, les poumons
Suffoquant, le cœur plein d'hémoglobine louche,
Résultent de l'horreur muette des démons
Invinciblement là ; de la rue à la couche.
Cortisone d'enfer, la belle apoplexie
Passa quand l'heure obscure où la rapacité
Des chiens des nuits sans fond tomba : la galaxie
Des spectres inconnus, noirs et décapités.
II
Elle a rêvé des arcs d'éther et de carats
Multipliés sur le champ de roses que garde
L'Éros du premier jour allongé dans l'aura
D'une ombre près d'un fleuve où l'aube se regarde.
Elle ne dormait pas quand le soupçon d'un ange
Lui murmura ces mots : « Toi, source de candeur,
Tu gouteras le sang écarlate et la fange,
-En larmes- des bourreaux que génère la peur. »
III
Et les harpies, parfois à serre-tête d'or,
Perdent leurs ongles si vernis, si beaux, si lisses
Avec des cris divins et des mouvements fort
Brusques ; ils saignent les doigts chargés de délices.
Jadis bagués, les doigts faits pour cacher les lèvres
Où s'animait le faux scandale, les rumeurs
Célèbres, où germaient ces paroles mièvres
Qui croissent dans la ville en formes de tumeurs.
(Sur la lande, éloigné des lieux de pendaisons
Inutiles, il va vers où le vent le porte,
Sous le scintillement céleste des tisons,
Aux avant-bras le corps de la fillette morte.
Elle n'a pas lutté contre les autres, claire
Étoile du matin belle de dénuement
Dont, bleue et d'émail pur, la prunelle s'éclaire
Un peu plus à Noël disparu, tendrement...)
IV
Lui c'est le poète aux couleurs de perroquet
Sauvage, il a trouvé la fillette couchée
Dans la fange et le sang, un petit bilboquet
En mains, par mille jets de pierres amochée.
Alors il l'a portée au delà des arômes
Putrides qui fumaient autour du corps gelé,
Et sa robe alourdie par l'urine des mômes
Fut laissée là, débris d'une beauté fêlée .
V
Les mômes, eux, pendants aux liens des balançoires
Comme du linge mort que ballotte le vent
- S'écoulent de leur nez des fils de morves noires -
Sont pris d'un rire bête, infini, délirant.
Leurs baskets sont farcies d'insectes puants dont
Les mandibules suintent un puissant curare,
Leurs rides ont figé d'ineffables pardons,
Quelquefois l'un d'entre eux sursaute du regard.
VI
Il la vêtit avec des mots sacrés, des phrases
Qui, tombées dans l'oreille avide des bimbos,
Les auraient fait mourir fidèlement d'extase,
Il l'habilla de pleurs et de fleurs de tombeaux.
Il maudit les auteurs du crime, il approuva
Les promesses du diable, il emporta la gône
Jusqu'où l'humain ne peut poser le premier pas
Pour l'enterrer selon les rites de la faune.
Sous le grand ravinale où dorment des colombes
Il bénit la fillette avec un truc en plus
A l'infime vécu dans son infime tombe
Vengée. en paix. Le ciel la couvre d'angélus.
(Sur la lande, éloigné des lieux de pendaisons
Inutiles, il va vers où le vent le porte,
Sous le scintillement céleste des tisons,
Aux avant-bras le corps de la fillette morte.
Elle n'a pas lutté contre les autres, claire
Étoile du matin belle de dénuement
Dont, bleue et d'émail pur, la prunelle s'éclaire
Un peu plus à Noël disparu, tendrement...)